divendres, 3 d’octubre del 2008

Le PADDUC dans la tourmente

Le PADDUC dans la tourmente


Le Plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) est de plus en plus contesté, notamment le volet environnemental. Alors que, déjà, son adoption a pris du retard. Un classique corse.


Barrages, centrales électriques, ports, ponts, routes, incinérateur... Difficile d'avancer en Corse et de mener à bien des projets susceptibles de moderniser la réalité insulaire. Tous sont contestés, amendés, repoussés, voire annulés dès qu'un mouvement d'opinion prend suffisamment d'importance pour faire changer d'avis l'Exécutif local et parfois même national. D'un côté, il faut s'en réjouir, puisque cela prouve que l'on ne peut pas toujours faire tout et n'importe quoi en Corse, ce qui témoigne de la vigueur persistante d'une partie de la population. Donc de sa capacité de résistance aux dictats de l'État et de ses représentants locaux. En revanche, il ne faut pas s'étonner que cela conduise à un immobilisme du paysage insulaire, celui-là même dont tout le monde se plaint. En accusant, pour le coup, les représentants politiques, qui siègent dans les mairies comme dans les diverses assemblées, « de ne rien faire » ou de ne « travailler que pour leurs propres intérêts ». Tout cela, bien sûr, en les réélisant régulièrement. Dernier épisode de cette histoire sans cesse renouvelée : le Padduc (Plan d'aménagement et de développement durable de la Corse), dont la contestation entraîne des débats qui ne sont pas près d'être clos. Qu'est-ce que le Padduc ? Son but, selon les explications de la Collectivité territoriale : « Un plan, en tout cas un projet de plan, pour le moment, qui définit les principes de la localisation des grandes infrastructures et des grands équipements. Et fixe les objectifs du développement économique, agricole, social, culturel et touristique de l'île et ceux qui sont relatifs à la préservation de l'environnement ». Le plan définit également « les orientations fondamentales en matière d'aménagement de l'espace, des transports dans une approche multimodale, de la valorisation des ressources énergétiques, de la protection et de la mise en valeur du territoire ». Il est également prévu que « par délibération particulière et motivée », l'Assemblée de Corse puisse « compléter la liste des espaces terrestres et marins, des sites et paysages remarquables, des caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral et des milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques à préserver. » En ayant la possibilité « dans les mêmes conditions, de déterminer des espaces situés dans la bande littorale des cent mètres, où pourront être autorisés, dans le respect des sites, des aménagements saisonniers destinés à l'accueil du public ». Le Padduc, « élaboré par le Conseil Exécutif (c'est fait), sera soumis, pour avis, au Conseil économique, social et culturel de Corse, au Conseil des sites, adopté par l'Assemblée de Corse, soumis à enquête publique et approuvé par l'Assemblée » (théoriquement d'ici le début de l'année prochaine mais vraisemblablement beaucoup plus tard, voire après les nouvelles élections s'il est véritablement amendé). Et s'il est adopté, le Padduc se substituera au plan de développement et au schéma d'aménagement de la Corse toujours en vigueur, y compris sur le plan juridique. Un plan que l'État avait finalement élaboré, puisque l'Assemblée de Corse n'y était pas arrivée elle-même. Au départ, c'est la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse qui a précisé dans son article 12 que c'était à la Collectivité territoriale d'élaborer le Padduc. La CTC précisant ensuite, après en avoir délibéré en février 2003, comment ce plan allait être mis au point. C'est à cette époque que le Conseil exécutif de l'Assemblée a mis en place une commission chargée d'élaborer le Padduc. Commission composée du Conseil exécutif, des représentants de l'État, des conseils généraux, des communes, d'organismes professionnels et du Parc naturel régional de Corse, et qui ne s'est réunie qu'une fois avant les élections de mars 2004. Ensuite, elle a été renouvelée, compte tenu des changements ayant eu lieu à l'Assemblée. Depuis, elle s'est réunie sept fois. Le président décidant de mettre parallèlement en place neuf groupes de travail « élargis », chacun présidé par un membre du Conseil exécutif et comprenant théoriquement une soixantaine de membres (ils n'étaient souvent qu'une trentaine) comprenant des représentants de toutes les forces politiques de l'Assemblée, des représentants des diverses associations de protection de l'environnement et des experts choisis en fonction des sujets et de leurs compétences. Ces groupes concernaient notamment la « structuration du territoire », « les infrastructures des transports », « l'économie », « l'environnement », « l'agriculture » et « le littoral et la montagne ». Ce dernier groupe, présidé par Stéphanie Grimaldi, s'est réuni quatorze fois en assemblée plénière et trois fois en réunions « complémentaires » consacrées aux communes du littoral (sans compter quelques réunions plus « techniques » avec des urbanistes locaux). Un travail dont les conclusions, que l'on retrouve dans le Padduc, posent aujourd'hui tant de problèmes. Des synthèses, élaborées de réunion en réunion, ont ensuite été transmises à la commission plénière qui les a fait « mettre en forme » par un cabinet continental choisi par appel d'offre (cabinet Tetra) lequel cabinet, au terme du travail fourni par les groupes (dont des contributions écrites rédigées par certains participants) et des directives du Conseil exécutif, a rédigé le fameux Padduc contesté aujourd'hui. D'autres cabinets conseils étant également appelés à la rescousse sur d'autres points plus juridiques ou techniques. Et si certaines associations de protection de la nature, telle que « U Levante » qui a pris la tête du « front uni » qui a été constitué contre le Padduc, n'ont curieusement pas été invitées dans les groupes de travail, des élus faisant partie de tous les courants politiques de l'Assemblée y ont été convoqués. Y compris ceux qui aujourd'hui dénoncent le Padduc, alors qu'ils ont été la plupart du temps absents des réunions de concertation. C'est en tout cas ce qu'affirment les représentants de la majorité, qui s'étonnent de cette soudaine prise de conscience et visent, sans les nommer, les élus nationalistes du PNC, de la Chjama nazionale ou de Corsica Nazione independente. Un absentéisme que ces élus nationalistes reconnaissent en partie, avançant qu'ils ont déserté les débats lorsqu'ils se sont aperçus qu'ils n'avaient pas accès à toutes les pièces du dossier. Selon eux, l'Exécutif, au prétexte d'arguments techniques, « confisquait » une partie des données, notamment cartographiques, pour les confier à des spécialistes « technocratiques » et « proches de l'État ». En tout cas, aujourd'hui, les élus nationalistes, au côté du « front uni » qui regroupe plus d'une cinquantaine d'associations et de partis politiques, font de la lutte contre le Padduc une bataille politique contre la majorité de l'Assemblée qui, disent-ils, veut engager la région sur une voie « contraire aux intérêts collectifs de tous les Corses ». Un avis qui est également celui de la CFDT, du STC, de la FDSA2B. Comme celui de la Chambre d'agriculture de Corse-du-sud, de la Ligue des droits de l'homme ou des dizaines d'associations locales de protection de la nature. Sans parler des organisations nationalistes non représentées à l'Assemblée comme u Rinovu, l'Anc-Psi ou a Manca nazionale.


Une manière, effectivement, de défendre « les intérêts des Corses » mais aussi de prendre date avant les prochaines élections territoriales. La lutte contre le Padduc, sous prétexte de protection de l'environnement, devenant aussi pour eux une façon de mobiliser leurs électeurs sur le « terrain », en dehors des débats qui auront lieu à l'Assemblée. Reste à savoir s'il se trouvera une majorité de conseillers territoriaux pour faire passer en force le Padduc au début de l'année prochaine, comme le voudrait l'Exécutif actuel (ce qui paraît une mauvaise solution aux nationalistes) ou si l'Assemblée décidera d'amender le projet, ce qui voudrait dire qu'il ne pourrait être définitivement voté qu'après les élections territoriales, par une Assemblée renouvelée. Ce que certains d'entre eux souhaitent. Mais qui, une fois de plus, repousserait l'adoption d'un plan que l'on attend déjà depuis trop longtemps. En attendant, le « front uni » contre le Padduc, après avoir dénoncé ce qu'il considère comme ses « tares » (voir encadré), affirme que ce projet de développement mise « sur un tourisme massif, un accroissement de l'économie résidentielle, un déséquilibre démographique, un déséquilibre entre littoral et montagne, une bénédiction des côtes, une disparition de l'agriculture, une dégradation sociale ». Le « front uni » ajoute même : « Un tel modèle est aujourd'hui, partout, en complet échec. Dans ce type de société, la démocratie régresse, le pouvoir des clans s'intensifie, les grandes multinationales et l'argent douteux gèrent l'économie et le politique ». Et de conclure : « Le PADDUC doit être retiré ». En tout cas, combat politique oblige (même si ce n'est pas dit pour l'instant), « bloqué » par les conseillers territoriaux avant d'être largement amendé. Ange Santini, le patron de l'Exécutif, a réagi l'un des premiers, en affirmant : « Il y a là des organisations extrémistes qui ont engagé une opération médiatique d'envergure avec leurs méthodes habituelles : la désinformation, l'intoxication, la caricature, la diffamation, la menace et la force brutale. Cette offensive a un objectif affiché : obtenir le retrait pur et simple du projet, présenté comme un crime à l'égard de la Corse et de ses intérêts. Elle a en réalité d'autres motivations. D'une part, empêcher que le débat ait lieu et faire perdurer la situation actuelle sur le littoral qui, avec ses imprécisions et ses contradictions, est l'un de leurs terrains privilégiés d'intervention, un de leurs fonds de commerce. D'autre part et surtout, récupérer tous les militants qui les ont quittés pour rejoindre des mouvances plus modérées, et reconstituer leurs forces après la déroute des municipales et avant les prochaines territoriales ». Le tout, dit-il, aidé par les « ayatollahs verts » et « les prêtresses de la nature vierge ». « Mais que chacun se rassure, conclut-il, personne ne pourra empêcher qu'au final le Padduc soit ce que la majorité des Corses et leurs représentants légitimes auront voulu qu'il soit : un plan au service du développement de la Corse ». En somme, chacun reste sur ses positions, en mêlant vérités et caricature. Stéphanie Grimaldi, responsable de la partie du Padduc la plus contestée, celle consacrée au littoral, préfère, elle, reconnaître qu'il ne s'agit pas d'un document définitif, que les élus de l'Assemblée auront le loisir de faire des contre-propositions et que le Padduc pourra être amendé, notamment après les deux mois d'enquêtes publiques. Ce qui, toujours selon elle, aurait pu être en partie être fait avant si toutes les forces politiques de l'Assemblé avaient joué le jeu. Pour le reste, elle admet qu'effectivement elle n'a pas suivi à la lettre - ce qu'on lui reproche - la carte des espaces naturels remarquables classés par l'État, puisqu'elle a demandé l'avis des maires concernés qui, dit-elle, à 88 %, ont admis le tracé antérieur de l'atlas du littoral et ne l'ont pas remis en cause comme beaucoup s'y attendaient. Seuls 12 % de ces espaces remarquables sont contestés, la plupart étant en retrait du littoral et non en bord de mer. Tout simplement parce que certains d'entre eux étaient déjà urbanisés, dégradés ou n'avaient, selon les maires concernés, aucune raison d'être classés. Tout cela n'excédant pas, en tout, à en croire Sophie Grimaldi, 12 km de côtes et non 100 comme l'affirme « U Levante », qui maintient ses positions en comptant sans doute les terrains déclassés qui ne sont pas proches de la côte. L'association affirme par ailleurs que derrière la plupart des déclassements envisagés se cachent des projets de construction. Elle les a d'ailleurs recensés dans un DVD anti-Padduc qui a été envoyé à chaque conseiller territorial. En s'insurgeant également contre le fait que le Padduc puisse rendre constructible certaines terres agricoles et qu'il puisse considérer que deux ou trois villas, parfois construites illégalement (on l'a constaté dans l'extrême sud), puissent constituer un hameau pouvant s'étendre. Comme le prévoyaient déjà, par exemple, les PLU (Plan local d'urbanisation) contestés de Bonifacio et de Porto-Vecchio. Un dérapage réel effectivement avalisé par certaines conclusions du Padduc. En tout cas, pour « U Levante » et ses alliés, c'est la preuve que ce plan représente un danger pour l'avenir de l'ensemble du littoral corse. Et une ouverture à un « tout tourisme de luxe » qui léserait la population corse, laquelle, financièrement, serait exclue de ces sites. Et repoussée vers des terres plus montagneuses qui, déjà, intéressent les investisseurs « étrangers ». D'autant, autre problème, que les propriétaires corses continuent à vendre leurs terres aux « plus offrant » ; certains maires de village, eux, se montrant intéressés par la manne financière (taxes) amenée par les investisseurs. D'où la défiance des associations de défense de l'environnement à leur égard et la remise en cause de leur autonomie dans un plan d'aménagement de la Corse qui ne ferait que légitimer leurs PLU... Et si l'on peut légitimement contester la « raideur » des associations qui semblent vouloir bloquer toute remise en cause d'une loi littoral, on le sait, souvent inadaptée en Corse, il est également certain que, compte tenu des pratiques locales, il y a tout à craindre des « ouvertures » envisagées par le Padduc. L'urbanisation « sauvage » de luxe de l'extrême sud en est une bonne illustration. Par ailleurs, outre ces problèmes concernant l'aménagement du littoral, le Padduc, s'appuie parfois sur des données quelque peu optimistes, notamment dans le domaine économique. À titre d'exemple, le plan envisage pour la Corse un taux de croissance annuel de 5 %, ce qui a officiellement été le cas ces dernières années mais qui sera de plus en plus difficile à tenir. D'autant, qu'en réalité, le taux de croissance réel aurait été de 0, 2 % de 1996 à 2006 et de 0, 1 % de 2002 à 2006 (chiffres cités par le blog www.corse-economie.eu) et qu'au regard de ces données, atteindre les 5 % relèverait de l'exploit et ferait de la Corse une des régions les plus performante du monde. D'autre part, la focalisation du débat sur le littoral en empêche d'autres, tout aussi importants, sur le sujet général du Padduc qui est « le développement de la Corse ». Un thème qui ne se restreint pas à l'aménagement contesté de quelques dizaines de kilomètres de zones côtières. Le Padduc, qui ne va ni sauver la Corse ni la détruire, n'est au fond qu'un document de travail banal qui ne mérite sans doute pas qu'il soit diabolisé à ce point par ses contestataires.


Gilles Millet