diumenge, 16 de desembre del 2007

Chroniques du poste de garde (3/4)


Chaque jour, retrouvez l'ambiance du poste de garde du palais de Justice. Accréditations, képis et négociations. Pas facile.


« Ah, te v'la, toi ! Ca va, l'ami ? » Ca y est, après une petite semaine d'absence, le journaliste toujours pressé retrouve ses habitudes du Palais de justice de Paris. Dans la fraîcheur du petit matin lutécien, le reporter transi comprend qu'on en est parvenu au tutoiement. Allons-y, gaiement, donc. Notre nouvel ami, le gendarme vizzavonologue (voir Chroniques du poste de garde (2/4) n'y va pas par quatre chemins : - « Ah ben dis donc, j'attends toujours le numéro de Corsica... Quand tu me l'amènes, dis juste que tu laisses ça à M. » « M. » nous guide donc fort obligeamment vers le portique où l'un de ses sympathiques subordonnés pousse la sollicitude jusqu'à s'enquérir d'une éventuelle chute de téléphone portable. Tout aussi civilement, le journaliste pressé le remercie en récupérant son sac, ses badges, ses accréditations et se félicite, en lui-même, que les choses aillent mieux désormais au poste de garde du boulevard du Palais.


Antoine Albertini
Vingt mille lieues sous les mers, la déposition de Roger Marion 1/2


Au cours d'une déposition confuse, Roger Marion a retracé tous les épisodes de l'enquête. Et a expliqué pourquoi Yvan Colonna n'avait pas été interpellé en même temps que les autres membres du commando.


Qui se souvient de Dany Dan, le prestidigitateur moustachu qui fit les belles nuits des animations en discothèque dans la Corse des années 80 ? Roger Marion, ex-patron de la DNAT et directeur de l'enquête sur l'assassinat du préfet Claude Erignac ne porte pas de bacchantes mais il témoigne de singulières capacités à hypnotiser son auditoire - voire, à l'endormir. Dès le début de sa déposition, ce matin, à 10 heures, l'ancien policier de haut vol s'est lancé dans des explications passablement embrouillées, mêlant cours de procédure pénale, analyse de communiqués de revendication, évoquant les attentats de Pietrosella, la filière porcine, la Fiat Brava de Pierre Alessandri et, last but not least, la fausse piste mafieuse et la Brise de mer. Cerise sur l'indigeste gâteau, citant Jean-Paul Sartre, Roger Marion livre sa vision des aveux : « l'obtention des aveux, professe le préfet, c'est une lutte des consciences. » Whaow. Délaissant les références littéraires, Roger Marion va donc, pendant près d'une heure, revisiter l'enquête Erignac. Un modèle de travail de police judiciaire, croit-on comprendre. 58 minutes après ses premiers mots à la barre, le président Dominique Coujard finit tout de même par s'impatienter poliment : - « Et donc, à ce stade de vos explications, il s'agit maintenant d'aller chercher Yvan Colonna ? » D'Yvan Colonna en effet, Roger Marion ne semblait pas décidé à parler. Dans le box, même l'intéressé semblait un peu absent, comme si le déroulé des événements ne le concernait pas. Pressé par le président Coujard, Roger Marion finit donc par aborder le cas Colonna. Ou plutôt « les » cas Colonna. « Pour les magistrats, explique le préfet, il était inconcevable d'aller chercher Yvan Colonna avant que son nom n'apparaisse en procédure. Il ne s'agissait pas seulement d'aller interpeller Yvan mais aussi Stéphane et Martin Ottaviani. » D'ailleurs, poursuit Roger Marion, Stéphane, le frère d'Yvan, « est beaucoup plus suspect, raison pour laquelle il était placé sur écoute judiciaire dès le 17 mai. » Seulement voilà, le dimanche matin, pas d'Yvan Colonna. Comment expliquer le raté ? Selon Marion, la raison en est fort simple, c'est d'ailleurs sa dernière version en date : « pourquoi je n'ai pas inclus Yvan Colonna dans la liste d'objectifs ? Parce qu'il n'avait pas de téléphone ! (...) Personne n'avait parlé d'Yvan Colonna ! » Roger Marion n'aura de cesse de le marteler : c'est aussi sur le terrain que les choses se sont mal passées. En clair : ses propres adjoints et les RG - « censés connaître le terrain » fait-il perfidement observer - n'ont pas fait correctement leur travail. Un peu court... Quant à la culpabilité d'Yvan Colonna, Roger Marion, questionné par Maître Philippe Lemaire, l'avocat de la famille Erignac, l'affirme : « les aveux de Maranelli sont vérifiés et corroborés. L'homme qui est dans le box est bien le 7ème homme du commando, l'assassin du préfet Erignac. » Au cours de sa déposition, guère convaincante pour le moment - elle se poursuit toujours à l'heure actuelle, sous un feu roulant de questions -, Roger Marion a peu emballé. Dans la salle de vidéo-presse où les journalistes assistent en direct aux débats sur grand écran, un correspondant d'agence redoute un éventuel procès d'appel : « à chaque fois, il s'enfonce un peu plus, le bonhomme. »


Antoine Albertini
Roger Marion attendu de pied ferme par la défense... et l'accusation.


Si la Cour d'assises spécialement composée attend avec impatience la déposition de Roger Marion aujourd'hui, c'est parce qu'elle permettra peut-être de connaître la vérité sur un raté majeur de l'enquête : la « non-interpellation » d'Yvan Colonna. Un raté que Marion a expliqué par mille raisons. Mais, visiblement, jamais la bonne.


« Yvan Colonna a dû être mis en cause pendant la journée du samedi. Le dimanche matin, nous sommes intervenus à son domicile, où il n'était plus. » Auditionné par une commission d'enquête parlementaire en 1999, Roger Marion ne s'embarrasse pas de détails. Colonna s'est enfui... banal : juste une bête question de date. Sauf que. C'est la première embûche sur la route des versions successivement données par Marion pour élucider le foirage de l'interpellation de Colonna. : Yvan Colonna n'a pas été mis en cause dans la journée du samedi 22 mai 1999 mais bien dans la nuit de vendredi à samedi, par Valérie Dupuis, la compagne de Didier Maranelli. A minuit quinze précisément, celle-ci va expliquer aux policiers qu'au matin du 7 février 1998, le lendemain de l'assassinat, Yvan Colonna a rendu visite à son compagnon « pour la première et la dernière fois ». Elle est certaine que les deux hommes sont mêlés à l'affaire. Pourtant Marion ne bougera pas. Et Colonna disparaît « aux chèvres » dans la journée de samedi. Lorsque les hommes de la Dnat se présentent à son domicile le dimanche, il s'est envolé. Le timing ne colle décidément pas. Est-ce la raison pour laquelle Marion ne va pas tarder à donner une autre version des faits ? Toujours est-il qu'il assurera ensuite que si l'assassin présumé du préfet Erignac a pu prendre la clé des champs, c'est à cause d'une indiscrétion. En clair : le commissaire Démétrius Dragacci, lui aussi originaire de Cargèse, aurait « mangé le morceau » et confié au père d'Yvan, Jean-Hugues, l'imminence de l'arrestation de son fils. Encore raté ! En Corse, nul - à part Marion - n'ignore que « Dimi le Grec » et le patriarche Colonna ne sont plus adressé la parole depuis près de dix ans... Qu'à cela ne tienne : Marion charge ensuite le commissaire Eric Battesti, futur directeur régional des RG en Corse, et connaissance de Pierre Geronimi, le compagnon de Christine Colonna. Las : ça ne colle toujours pas. Dans son livre paru aux éditions du Seuil (« On m'appelle Eagle Four »), le « Beau Roger » donne une dernière version : si Colonna ne faisait pas partie, le vendredi 21 mai 1999, de la première vague d'interpellations, c'est parce qu'il « n'avait pas de téléphone. » Mais le grand flic se rattrape : le samedi 22 mai, vers 20 h 40, il demande à son adjoint resté à Ajaccio de "resserrer immédiatement le dispositif de surveillance" autour de Colonna, parce que Maranelli "commence à s'attabler". Le dimanche, à 6 heures, heure légale, les policiers de la Dnat ne parviennent pas à mettre la main sur Yvan. "J'ai été abasourdi d'apprendre que, sous la direction de mon adjoint Jean-François Lelièvre, mes hommes s'étaient présentés au domicile d'Yvan et ne l'avaient pas trouvé », explique Marion dans son bouquin. Pire : « les frères Colonna n'étaient pas sous surveillance comme je l'avais réclamé ». L'adjoint de Roger Marion à l'époque s'appelle Jean-François Lelièvre. Et il risque bien de ne pas apprécier cette dernière sortie. Car selon plusieurs témoins, ce dernier, une fois remonté à Paris pour suivre le cours de la procédure, aura une entrevue plutôt orageuse avec son patron sur les ratés de l'arrestation. Le policier serait, aujourd'hui encore, ulcéré par ce ratage. Ca tombe bien : il viendra demain expliquer à la barre les dessous du raté qui permettra à Colonna de mener une longue cavale...


Antoine Albertini
Une semaine décisive s'annonce


C'est un casting de premier choix qui défilera à la barre pour la troisième semaine du procès d'Yvan Colonna devant la Cour d'assises spécialement composée à Paris. Alors que s'ouvre une semaine décisive, défense et accusation fourbissent leurs armes.


Aujourd'hui, la journée début dès 10 heures avec la déposition très attendue du préfet Roger Marion , ex-patron de la DNAT et, à ce titre, directeur de l'enquête sur l'assassinat du préfet Claude Erignac. Le policier vient de publier opportunément un livre de mémoires intitulé « On m'appelle Eagle Four » (pour « Il gueule fort ! ») dans lequel il expose les raisons qui l'auraient empêché de mener à son terme l'arrestation d'Yvan Colonna en mai 1999 alors que le nom du berger de Cargèse avait été cité en cours d'audition par Valérie Dupuis, compagne de Didier Maranelli, l'un des membres du commando condamné le 11 juillet 2003 à 25 années de prison. Avant même de se présenter à la barre, Roger Marion se trouve déjà au centre d'une polémique : l'hebdomadaire Le Point a révélé, voila dix jours, que le secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant , avait convoqué l'ancien policier pour s'assurer de la « fiabilité » de sa déposition. Un rendez-vous qui a valu à M. Guéant d'être à son tour cité comme témoin, le 5 décembre, dans le cadre du procès. Selon la défense d'Yvan Colonna, cette rencontre entre l'un des proches de Nicolas Sarkozy et M. Marion viserait à « museler » ce dernier. Fidèle à sa réputation, M. Marion vient de résumer à plusieurs organes de presse, la teneur de sa déposition de ce jour : « je peux faire condamner Colonna. Les Corses sont les spécialistes des faux alibis. » La journée se poursuivra, l'après-midi, avec la déposition, également très attendue, de l'ancien préfet Bernard Bonnet . Avec un sens identique de la formule, ce dernier a déclaré, il y a moins d'une semaine, qu'il avait « des doutes » sur la culpabilité d'Yvan Colonna. (voir le script de son interview accordée à France Info : http://info.club-corsica.com/colonna_jour_98_019.html). Mardi, c'est au tour du gratin de la police de venir exposer à la Cour les dessous - et les nombreux ratés - de l'enquête. Le contrôleur général Frédéric Veaux , patron de la Sdat (Sous direction antiterroriste, ex-Dnat) sera suivi par le commissaire principal Philippe Frizon , « spécialiste » des communiqués de revendication et par le capitaine Philippe Perrin , issu du même service, qui sera entendu sur le conséquent volet « téléphonie » de l'enquête. Mercredi, l'un des véritables temps forts du procès sera marqué par les dépositions, exceptionnelles, des trois juges antiterroristes chargés de l'enquête sur l'assassinat du préfet Claude Erignac, Jean Louis Bruguière , Gilbert Thiel et Laurence Le Vert . Les magistrats devront également répondre des errements de l'enquête et de la procédure, alors que plusieurs coins ont déjà été enfoncés par le méticuleux travail de sape de la défense d'Yvan Colonna au cours des deux premières semaines de procès. Jeudi et vendredi, les dépositions des épouses des membres du commando viendront clore cette semaine d'audience. Le témoignage de Valérie Dupuis et de son ex-compagnon Didier Maranelli clôtureront la journée de vendredi. Mme Dupuis et Didier Maranelli, dont les mises en cause répétées d'Yvan Colonna fournissent l'un des principaux arguments de l'accusation, viendront expliquer pourquoi - et, peut-être de quelle manière - ils ont été amenés à mettre en cause le berger de Cargèse. .
Le préfet Bonnet a des « doutes sur Yvan Colonna »


Au micro de Mathieu Aron, sur France Info, l'ancien préfet de Corse Bernard Bonnet exprime ses « doutes sur Yvan Colonna » et précise dans quelles conditions il a révélé le nom des Colonna. Script de l'interview.


Je crois que sur l'enquête, il faut dire les choses clairement, il y a un côté très positif c'est qu'au bout de quinze mois le commando a été identifié. Maintenant, il y a les ombres de cette enquête, c'est-à-dire qu'on sait maintenant que cet assassinat ne sera jamais complètement élucidé (...) ce qui est vrai, il ne s'agit pas d'être polémique, mais les renseignements que j'ai donnés à la justice et j'insiste, à la justice, sont de novembre et de décembre 1998 et ils auraient pu permettre sans doute d'accélérer le cours de l'enquête. Oui, je pense qu'on aurait pu aller plus vite. Il [l'informateur du préfet Bonnet, ndlr] me donne trois noms, il me donne le nom des deux intellectuels du nord et surtout le nom du chef du commando (...) Avoir des noms est une Surtout, il m'explique comment l'assassinat é été prépapér, comment il s'est déroulé. Ce sont des informations très précieuses. C'est aussi, si j'ose dire, le mode d'emploi de l'assassinat. Oui, il me donne le nom de Colonna mais parmi d'autres et sans connaître les prénoms et sans plus de précisions ? Ce n'est que dans des circonstances que j'exposerai devant la CSP que j'ai été amené à donner le prénom de Stéphane Colonna à la justice. C'est Yvan qui comparaît (...) et je n'ai jamais eu le nom d'Yvan Colonna. (...) J'ai été amené à préciser le nom de Stéphane Colonna qui, on le sait aujourd'hui, est totalement hors de cause. Je répondrai avec beaucoup de prudence, en aucune façon je ne serai péremptoire et c'est avec beaucoup d'humilité que je m'exprimerai. J'ai des doutes effectivement sur Yvan Colonna et ces doutes je les exprimerai, puisque je n'ai jamais révélé son nom.


Antoine Albertini
PROCES COLONNA - Jour 7 - Revue de presse : « Doutes et confusions » au lendemain de la deuxième déposition du légiste.


Doutes et confusions. C'est ce qui ressort dans la presse au lendemain de la déposition du médecin légiste Paul Marcaggi devant la cour d'assises spécialement composée. Extraits.


Pour Patricia Tourancheau, de Libération, l'exposé technique du médecin légiste s'est révélé rien moins que « confus » et « les avocats de la défense ont cru l'entendre confirmer sa théorie d'un tueur « de haute stature ». » Ils ne sont visiblement pas les seuls. Dans une interview donnée au site de son journal, le Figaro.fr, Stéphane Durand-Souffland, qui suit le procès pour le quotidien explique que d'après le docteur Marcaggi, « l'hypothèse d'un tireur assez grand reste tout à fait valable. » « On s'attendait à ce qu'il se fasse mettre en pièces par l'accusation et ce n'est pas du tout ce qui s'est passé » poursuit le journaliste. Le médecin « a campé sur ses positions » et fourni un « exposé assez convaincant » en insistant sur « les lacunes de l'enquête » (L'interview est disponible sur http://www.lefigaro.fr/actualites/2007/11/19/01001 20071119ARTFIG00525-proces-colonna-le-legiste-campe-sur-ses positions.php) Le médecin a-t-il pour autant rempli sa mission ? « Difficile à dire. » conclut Stéphane Durand-Souffland dans les colonnes du Figaro. Sur le blog de Pascale Robert-Diard du quotidien Le Monde, la thèse du médecin a « fait pschiiiit ». « Dans la salle d'audience, explique la chroniqueuse judiciaire, la tension est aussitôt retombée d'un cran. Allait suivre, pendant près d'une heure, une analyse détaillée des photos du crâne du préfet assassiné, traversé de tringles destinées à mesurer la trajectoire des projectiles - oui, c'est aussi cela un procès d'assises - dont il s'est avéré impossible de tirer des conclusions précises. » (voir : http://www.lemonde.fr/web/blog/0, 39-0, 48-979846, 0.html) « Le médecin légiste s'est montré beaucoup moins formel » estime pour sa part La Croix, même si le médecin ne semble pas du genre « à admettre avoir pu se tromper, ou au minimum avoir été imprudent. » Amusant : qu'aurait pensé l'auteur du papier si le Dr Marcaggi était carrément revenu sur sa précédente déposition ? Qu'il avait menti ? Qu'il n'était qu'un truqueur ? « A l'issue de cette déposition, assure Alain Acco sur Europe 1, « les deux camps affirment avoir marqué un point. » C'est en définitive le meilleur résumé de l'audience d'hier.


Antoine Albertini
PROCES COLONNA - Jour 6 - Interview Henri Mariani


Depuis le Palais de justice de Paris, Henri Mariani, notre confrère de Radio Corsica Frequenza Mora, revient sur le témoignage du docteur Paul Marcaggi, entendu aujourd'hui une nouvelle fois par la Cour d'assises spécialement composée.


Le docteur Paul Marcaggi a été rappelé à la barre aujourd'hui pour s'expliquer sur la taille du tireur. Qu'a-t-il déclaré ? Le docteur Marcaggi a confirmé son expertise scientifique en précisant qu'elle se trouvait dans le dossier depuis 1998 ! En 2003, déjà, il avait livré les mêmes conclusions mais ses déclarations étaient passées inaperçues : il n'y avait aucun tireur présumé dans le box et Pierre Alessandri ne s'était pas dénoncé. Les photos de l'autopsie diffusées dans le prétoire ne semblent pas confirmer son évaluation de la taille du tireur... Oui, mais l'expert a précisé ce qu'il avait d'ailleurs déjà dit : les photos montrent un corps autopsié, soutenu par des bras humains, où tout est affaissé. Dans une perspective dynamique, quand le préfet marchait, peut-être avec la tête légèrement inclinée, on se rapproche plus d'un tir à l'horizontal. Jamais le docteur Marcaggi n'a pas renié la partie scientifique de ses études. Mais a-t-il confirmé que le tireur était de « grande stature » ? La question lui a été posée à plusieurs reprises. Il a éludé, prétendant ne pas être là pour déduire la taille du tireur. Pour cela il faudrait conforter ses analyses avec celles du balisticien mais ce dernier ne s'est pas présenté au procès. Il est à la retraite et on ne peut juridiquement contraindre un expert à venir à la barre. A-t-on assisté aux premières tensions de ce procès ? Oui, c'est la première tension de ce procès. Marcaggi est resté dans le prétoire pendant deux heures alors que les expertises sont en règle générale, rarement contestées. Mais l'accusation et la partie civile n'ont pas vraiment repris la main : elles sont surtout parvenues à remettre le doute dans les esprits du public. La partie civile et l'accusation ont surtout voulu éviter que l'expert ne redise que le tireur était aussi grand que le préfet. C'était essentiellement leur mission.


Antoine Albertini
PROCES COLONNA - Jour 6 - "Je ne peux pas être formel sur la taille du tireur"


Docteur Paul Marcaggi, lundi 19 novembre 2007.


Entendu à nouveau sur la taille du tireur, le médecin légiste qui avait affirmé jeudi dernier que le tireur "était d'une grande stature" a maintenu ses déclarations sur un angle de tir horizontal mais n'a pu confirmer la grande taille du tireur.


A.A.
PROCES COLONNA - Jour 6 - Querelles d'experts... virtuels


Si certains media n'ont pas cru bon de s'étendre longuement sur le témoignage du médecin légiste Paul Marcaggi lors de la 4e journée du procès d'Yvan Colonna, l'information n'en a pas moins suscité, sur les forums de discussion et sur les sites des principaux journaux, de nombreuses réactions de la part des internautes.


Ces experts sont tout ce qu'il y a de plus virtuels. Et, pour beaucoup, semblent avoir fait leurs universités dans les salles obscures ou devant le petit écran, grâce à John Woo ou Quentin Tarantino. Extraits d'une variation inattendue sur le thème « aux armes, citoyens ! ». Toujours en respectant la graphie originale des intervenants... Sur le forum HFR-Hardware.fr, le plus grand forum francophone, MBD44 balaie la déposition du légiste : « ca veut rien dire ce truc... ca depend aussi de comment l'assassin a tiré ». Plus loin, il développe : « je pensais a un film ou le gars tirait le gun à plat le bras plus haut que ca tete "boyz'in the wood" stayle . Donc oui ca veut rien dire en soi, c'est un element de plus c'est tout ». Mais MBD44 convient cela dit, par la suite que : « la reconstitution s'imposait je pense ». Sur le site de Libération, Chewbee explique que : « par rapport a cette histoire de taille et d'angle de tir, il n'est pas nécessaire d'avoir le bras dans l'axe pour tirer avec une arme de poing ( surtout de près) Il est tout a fait possible de tenir l'arme a plat (paume vers le bas ) et de lever le bras afin d'avoir l'arme perpendiculaire a la nuque ! Je n'ai pas accès au rapport complet mais pour moi l'objection est inopérante ... ». Cependant que GUI confirme, formel que « Rien n'empêche de lever son bras plus haut que sa tête et de tenir une arme de point à l'horizontale. Ce qui, bien sûr, ne veut pas dire que c'est Colona qui a tiré. » Objectivité semble penser pour sa part que Yvan Colonna pourrait bien être le chaînon manquant entre l'homme et le primate. C'est en tout cas ce qui ressort de sa thèse sur la longueur des bras : « Ne soyons pas ridicule, la taille est une chose, c est jusqu'au bout de la tête, mais, l envergure des bras n est pas standard selon la grandeur. En outre personne ne parle de la possibilité que l' assassin était accompagné et éventuellement en moto ou dans un véhicule. » Mouarf, lui, est catégorique : « On peux lever le bras de dix centimètres et garder le revolver droit par rapport au sol, en inclinant la main dans l'autre sens, ca n'a aucune incidence sur l'angle de tir. (...) Je ne suis pas surpris de trouver de nombreux défenseurs d'un présumé assassin ici-bas... Il a bon dos. » Tout aussi formel, un certain demo sur le site du Nouvel Obs : « c'est du grand n'importe quoi. Qu'est ce que c'est que cet expert qui veut se faire mousser. Dans son premier calcul il avait trouvé 2, 5 m, alors il a apporté un coefficient de modération égale à la largeur de la rue divisé par la hauteur des lampadaires. Vous pouvez faire 1, 5 m venir derriere quelqu'un, mettre le bras en l'air et casser le poignet, vous aurez le même angle que quelqu'un de 1, 85 tirant bras tendu. je ne sais pas qui à tué le prefet mais ce genre d'expertise le herisse le poil. » Il se heurte à 123, pour sa part convaincu de l'innocence de Colonna qui le reprend de volée : « Je pense que vous n'avez jamais tiré avec une arme de votre vie pour être capable de dire des inepties pareilles. Il est complètement IMPOSSIBLE de tirer au pistolet avec, et je vous cite, "le bras tendu et le poigné cassé". Mais demo a la force tranquille de ses certitudes : « Je m'éleve simplement contre ces sois disant experts. Je maintiens qu'il est possible de tirer avec le poignet cassé et le bras levé, Pas question de faire un tir de précision à 15 m, mais à 10 cm je ne vois pas le probléme. » Avis confirmé par un autre connaisseur, Sitbey : « Il suffit pour un homme mesurant 1m72 de lever simplement une arme de poing de 10 cm (axe épaules - bras) et d'orienter le canon à l'horizontale pour effectuer ce genre de tir. D'autre part, l'angle de tir peut également être faussé en fonction de la position de la tête de victime au départ du coup. (tête baissée ou levée) ce qui anéantit complètement la thèse relative à la taille estimée du tireur. » Quant à Bigoudi, il ou elle préfère s'en tenir à faire observer que : « Le médecin - légiste a un nom en "i"...Mais arrêtons là , mon imagination me joue des tours ! » Sur l'espace « réactions » des lecteurs du Figaro, P23 ne dit pas autre chose et se verrait sans doute bien expédiant le berger de Cargese dans un cul-de-basse-fosse. Comment expliquer autrement qu'il se sente: « très très septique sur les explications d'un medecin légiste Corse » ? On se prend à rêver de ce qui adviendrait si tous ces experts sortaient de l'anonymat pour venir proposer leurs lumières, le 19, à la reprise du procès, au président Coujard.


Elisabeth Milleliri
PROCES COLONNA - Jour 6 - Revue de presse de la semaine passée


Alors que s'ouvrent à nouveau les débats, voici les principaux développements de la presse au long de la semaine écoulée.


Dans l'ensemble, les media ont opté pour une neutralité de bon aloi. Qui n'est toutefois pas exempte de certains parti pris -mais comment faire autrement dans une affaire où l'intime conviction des uns et des autres, à commencer par les magistrats aura un poids considérable, voire déterminant ? Au détour des comptes-rendus globalement assez sobres, on repère cependant çà et là, dans le choix des mots, l'ombre de la subjectivité. Sur l'affaire. Sur le prévenu. Et parfois sur le « peuple » dont il se réclame « patriote ». Ainsi dans les colonnes de Libération, Patricia Tourancheau établit dans ses articles consacrés aux deux premiers jours du procès un subtil distinguo entre d'une part « la famille Erignac » et d'autre part « le clan Colonna ». Les Corses n'auraient donc pas de liens familiaux, uniquement des rapports claniques ou est-ce un louable souci d'éviter les redites ? Le 13, dans un article intitulé « Procès Colonna : un mois pour rétablir la vérité » la journaliste de Libération relève qu'Yvan Colonna est jugé pour « le crime le plus grave qui ait été commis en trente ans de violence politique en Corse » . Ainsi, il est donc des degrés de gravité dans le meurtre selon l'état-civil et les fonctions de la victime ? Il existe, il est vrai, on se doit désormais d'intégrer ce fait, des nuances dans la façon d'appliquer le principe de la présomption d'innocence, selon que l'intéressé sera ou non un proche du président de la République... Dans La Croix qui le 13 novembre, titre « Yvan Colonna se décrit comme un patriote corse » Emmanuelle Reju semble surprise de voir qu'à un certain moment de l'audience le berger « s'efface derrière l'ancien étudiant de niveau universitaire, le fils de député, le militant aguerri de la cause nationaliste » avant de faire montre d'un don de divination qui, en d'autres temps, lui aurait sans nul doute valu les foudres de l'Eglise. Rendant compte de la deuxième journée d'audience, elle écrit en effet que « L'accusé (NDR : Yvan Colonna) se rassoit avec le sentiment d'avoir marqué des points. » On se prend à regretter que ses remarquables aptitudes à s'immiscer dans les pensées d'autrui ne soient pas exploitées avec profit par les magistrats, la justice y gagnerait en célérité... Pour Le Monde, la chroniqueuse judiciaire Pascale Robert-Diard choisit la rigueur, privilégiant avant tout les faits, le compte-rendu des dires des différents protagonistes du procès. Détail amusant, cependant, son apparente obsession (dans son blog le 14, un billet intitulé « Comment prononcez-vous Colonna ? » , puis dans son compte-rendu, daté du même jour « Jean-Hugues Colonna, un père à la barre, entre détresse et emphase ») pour la prononciation des noms en corse. Dans laquelle elle n'entend décidemment pas les voyelles finales, pourtant présentes quoique non accentuées. Si Pascale Robert-Diard n'entend parfois pas les voyelles en langue corse, elle s'y entend en revanche parfaitement à restituer l'ambiance des débats, à y apporter de la couleur, du ressenti sans s'essayer pour autant à la prescience. Evoquant les explications manifestement laborieuses de Jean-Hugues Colonna sur sa lettre adressée le 28 mai 1999 à Mme Erignac, elle parle d'une déposition « que l'on imagine » -et non qu'elle devine- « maintes fois répétée et biffée. » S'agissant de la troisième journée du procès, le 14, Stéphane Durand-Soufflant pour Le Figaro, relate d'une plume alerte et rigoureuse l'audition des proches d'Yvan Colonna. C'est tout particulièrement celle, savoureuse, du rugbyman Daniel Herrero, qui retient son attention ce jour-là. Il rappelle cela dit que « Aux assises, les témoins de moralité, par définition, ne sont pas interrogés sur les crimes poursuivis. Il est donc vain de vouloir leur faire dire plus qu'ils n'en disent spontanément, ou de tordre leur déposition de manière artificielle. » Ce à quoi, dit-il, semble pourtant s'être essayé un des avocats de la partie civile après le témoignage de Daniel Herrero dont la faconde pittoresque a semble-t-il laissé de marbre Patricia Tourancheau. Son compte-rendu de la journée du 14 se concentre sur « le vif du sujet, à savoir les crimes reprochés à Yvan Colonna » et plus particulièrement l'attaque de la gendarmerie de Pietrosella. La journaliste de Libération n'en est visiblement pas revenue : « Le berger de Cargese, qui se dit victime d'une justice antiterroriste dévoyée ayant « érigé [sa] culpabilité en vérité biblique » et qui tient à faire valoir son innocence, a étrangement laissé passer l'occasion de s'expliquer. » Ainsi Colonna a-t-il refusé la tribune offerte d'une phrase lapidaire : « Comme au premier jour, je dis que je n'ai pas participé à la gendarmerie de Pietrosella, pas plus qu'à l'assassinat du préfet, pas plus qu'au groupe des anonymes. » écrit-elle. Un accusé qui se dit innocent et qui, dans la logique même du système de défense qu'il a choisi, ne répond que par une brève dénégation aux questions concernant des faits auxquels il affirme ne pas avoir pris part, voilà qui est en effet bizarre. Titre de son article, donc : « Colonna laisse passer l'occasion de s'expliquer ». De son côté Zoé Lavigne retient plutôt de cette journée, et c'est le titre principal de la pleine page de Corse-Matin, que « La défense marque des points », ajoutant que c'est « une autoroute » qui « s'est ouverte » pour les avocats d'Yvan Colonna. Le 4e jour du procès, bien qu'il ait été marqué par un petit coup de théâtre, avec la déclaration du médecin légiste tendant à indiquer que l'assassin du préfet serait plus grand qu'Yvan Colonna, on est étrangement laconique dans la presse nationale. Où l'on se contente le plus souvent d'une reprise de l'AFP, sans même prendre la peine d'en corriger une pourtant fort voyante faute de français « Hors, le tireur se trouvait derrière sa victime qui montait la rue du colonel Colonna d'Ornano. ». Toutefois, dans l'édition du 16 du Figaro, sous le titre « Colonna : le médecin légiste sème le doute », Stéphane Durand-Soufflant rend compte de la déposition du Dr Marcaggi. Et enchaîne : « Il n'en reste pas moins que Claude Érignac est mort le 6 février 1998. » pour faire place au témoignage du commandant de police Hélène Graziani et à l'énumération par cette dernière des effets personnels de M. Erignac. Dont un carnet de citations. Et de conclure : « Le genre de maximes que serre contre son coeur, avec les images de ceux qu'il aime, un homme bien. » De son côté, Corse-Matin titre à sa Une : « Le soutien inattendu du médecin légiste à Yvan Colonna » et si Jean-Marc Raffaelli fait également état du témoignage du commandant Hélène Graziani, pour lui « le point d'orgue de la journée, c'est la déposition du Dr Paul Marcaggi, le médecin légiste ». Il consacre également plusieurs colonnes au « tract prémonitoire qui n'a servi à rien », celui qui selon le président Coujard « donne une image visionnaire de ce qui va suivre » c'est à dire l'assassinat de Claude Erignac. Mais que nul ne semble avoir pris assez au sérieux pour empêcher ce meurtre. Pour le 5e jour, lors duquel Yvan Colonna s'est adressé à la famille du préfet et ont été produits deux textes de la main du préfet Erignac, certains journaux vont encore choisir de s'en remettre essentiellement aux agences de presse. Ainsi La Croix, qui publie sur son site Internet le jour même un article titré « Colonna : ce n'est pas moi qui ai tué » rédigé d'après AP. Même titre à peu de chose près sur le site de Libération où les déclarations de Colonna sont survolées rapidement, en mentionnant que « La veille, la défense du berger de Cargèse a semblé marquer un point. Le médecin légiste qui avait examiné le corps de Claude Erignac a en effet estimé que l'assassin du préfet doit faire « au moins » 1, 83 mètre, tandis que Colonna ne mesure que 1, 72 mètre. » Une place un peu plus importante est consacrée à la lecture des notes personnelles de M. Erignac : « Le préfet Erignac avait clairement conscience de partir vers une mission impossible ». De son côté, sur son blog, la chroniqueuse judiciaire du Monde, Pascale Robert-Diard publie deux billets. D'abord, « Le procès Colonna sous l'oeil de l'Elysée » où elle revient sur « la déposition à venir, le 26 novembre de Roger Marion » et l'entretien qu'a eu ce dernier avec le secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant et qui « vaut d'ailleurs à Claude Guéant d'être appelé à s'expliquer devant la cour d'assises le 5 décembre. » Puis « Claude Erignac et l'histoire d'un piège » où elle cite de larges extraits des écrits de Claude Erignac quant à sa nomination en Corse. « Le document, écrit-elle -et ce sera là son seul commentaire personnel- est exceptionnel ». En revanche, pour Le Figaro et Stéphane Durand-Soufflant, le fait marquant de cette journée du 16 est la « polémique autour du rapport du légiste ». Il rapporte comment « les deux avocats généraux qui soutiennent l'accusation, Yves Jannier assisté de Christophe Teissier » ont remis en cause les dires du médecin légiste Paul Marcaggi, selon lequel l'assassin du préfet serait un homme de haute stature. Et il annonce que « le légiste devra revenir dès lundi compléter sa déposition, et il faudra une deuxième fois supporter les clichés de l'autopsie dont le parquet général, avec une pudeur qu'on ne lui connaît pas toujours, croyait pouvoir faire l'économie jeudi après-midi. ».


Elisabeth Milleliri
PROCES COLONNA - Jour #5 - La lettre prémonitoire du Préfet Erignac


Dans un "journal" entamé alors qu'il était préfet des Yvelines, le préfet Claude Erignac redoutait les conséquences de sa nomination en Corse. Et tenait des propos tragiquement prémonitoires. Extraits.


Le préfet des Yvelines - Ch. I - Histoire d'un piège "J'ai donc été pris au piège subtil tendu par quelqueq-uns, pas très nombreux et que je pense identifier très clairement. Pour l'essentiel, Michel Besse [? - écriture peu lisible, ndlr] et P.E. Bissch [ancien conseiller de Charles Pasqua aux affaires corses, ndlr]. Le piège est quasi-imparable pour un préfet. A la légitime ambition, exprimée clairement, d'être nommé préfet de Région, on a su ajouter l'affirmation des éminentes qualités professionnelles et personnelles qui justifient ce choix (...) Mes qualités sont donc si grandes que me voilà l'homme indispensable pour la Corse. "Si j'ai, plus tard, l'occasion de régler ces comptes, il ne faudra pas oublier de le faire." Que répondre, sauf à courir le risque réel d'une disgrâce, d'une hors-cadre ou d'une stagnation. Aucun argument ne peut être légitimement avancé face à cette "mission de grande confiance, témoignage éclatant, etc.". Si j'ai, plus tard, l'occasion de régler ces comptes, il ne faudra pas oublier de le faire. Il faut donc y aller et gérer dans la plus grande hâte tous les problèmes personnels, si nombreux, que nous pose cette nomination vis-à-vis de nos familles, de nos projets en Lozère, de nos moyens qui vont en être affectés. Mais ce n'est pas - et de loin - l'essentiel. Le seul problème sérieux est que j'ai clairement conscience de partir vers une mission impossible faite de contradictions éclatantes entre les déclarations publiques du gouvernement, les négociations plus ou moins secrètes, les intentions réelles des uns et des autres... Officiellement, ma mission est triple : rétablir l'autorité de l'Etat, contribuer au dialogue républicain, faire avancer les dossiers économiques, sociaux et culturels. "C'est le grand écart... avec les redoutables conséquences que l'on devine." Mais quels sont les moyens ? Un préfet ne saurait véritablement actionner les machines judiciaire et policière. Pour la police, un peu sans doute mais ce n'est pas ma tasse de thé. Cela dit, je vais m'y efforcer. Le problème est qu'il faut aussi veiller à ne pas contrarier le "processus politique" en cours avec la trêve acquise pour trois mois, attendue pour six mois supplémentaires (...) C'est le grand écart... avec les redoutables conséquences que l'on devine. Pour les dossiers, j'ai l'impression que la volonté politique est bien hésitante. On peut le comprendre à voir les sommes déversées sur la Corse. Comment reprocher à beaucoup, à Paris, de dire que cela suffit... Mais alors, comment répondre aux attentes si impatientes des socio-professionnels de tout poil abreuvés semble-t-il, ces derniers mois en particulier, de bonnes paroles et de semi-promesses. En définitive, c'est cela qui me soucie le plus car je crains beaucoup cet exercice de faux-semblant. (...) Nous partons donc. Je m'accroche à l'idée que cela peut être pour dix-huit mois seulement, moyenne approximative de mes prédécesseurs. Et je vais m'efforcer de tenir chronique régulière de cette aventure, mission impossible."


Antoine Albertini
Procès Colonna : 120 témoins + 1


Plus d'une centaine de témoins sont attendus pendant cinq semaines d'audience. Un planning qui laisse entrevoir quelques temps forts.


C'est tout l'annuaire de l'affaire Erignac qui défilera jusqu'au 14 décembre. A la barre, 120 témoins plus 1... Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée et proche de Sarkozy est le dernier, cité par la défense d'Yvan Colonna depuis que l'hebdomadaire "Le Point" (http://www.lepoint.fr/) a révélé la semaine dernière l'entrevue de ce dernier avec Roger Marion, ex-directeur de l'enquête menée sur l'assassinat du préfet Claude Erignac. Le 13 novembre débuteront les audiences consacrées à la personnalité d'Yvan Colonna. C'est donc toute sa famille qui défilera à la barre pour tenter de dresser le portrait de l'accusé. Cécile Riou, sa mère, a été excusée après avoir fourni un certificat médical en bonne et due forme. Yvan COlonna, lui, ne devrait prendre la parole qu'à partir du 14 novembre. Mais le premier morceau de bravoure à attendre aura probablement lieu le 26 novembre : Roger Marion devrait venir expliquer à la barre, entre autres mystères de l'enquête, comment Yvan Colonna a pu prendre la fuite le 24 mai 1999, près de deux jours après avoir été mis en cause une première fois par certains membres du commando et leurs épouses, placés en garde à vue. Le même jour, l'ex-préfet Bernard Bonnet permettra à la Cour de vérifier s'il tiendra ses promesses de révélations pendant l'audience.


Antoine Albertini
PROCES COLONNA, JOUR 1 - LUNDI 12 NOVEMBRE 2007


Lecture de la liste des témoins et de l'ordonnance de renvoi : coup d'envoi du procès.


Il est 10 heures, ce matin, quand Yvan Colonna fait son entrée dans le box des accusés. Sa tenue vestimentaire a déjoué les prévisions : pas de chemise mais un survêtement de sport de couleur sombre. Posément, il décline son identité : "Yvan Colonna, né le 7 avril 1960. Profession : berger". Puis il s'assoit et fixe longuement Dominique Erignac, veuve du préfet assassiné et ses deux enfants, assis en face de lui. La salle d'audience est "coupée" en deux. Lorsque l'on regarde la Cour, côté droit, les proches de Colonna et plusieurs témoins; côté gauche, les amis et l'entourage du préfet Claude Erignac. D'une voix douce mais ferme, le président Dominique Coujard annonce les noms des témoins. Pas moins de 121 personnes, dont un bon nombre de policiers. Curieux : nombre d'entre eux manquent à l'appel. On est sans nouvelles d'Eric Battesti, ancien chef de la Section opérationnelle de recherche spéciale et ex-patron des RG en Corse. "Il est en poste à l'étranger" assure Frédéric Veaux, actuel "boss" de la Sous-direction antiterroriste, lui aussi cité. Dans la petite salle d'audience bondée, plusieurs personnes se lèvent à l'appel de leur nom. Elles doivent ensuite quitter la salle : interdiction de rester pendant les débats jusqu'à ce qu'elles aient été entendues. Parmi elles, la famille Colonna. Christine, la soeur d'Yvan; Stéphane, son frère; Jean-Hugues, le père et Josette Colonna-Beech, la tante de l'accusé ont désormais interdiction de communiquer avec leurs avocats. Un témoin cité ne pourra pas se présenter. A l'appel de son nom, c'est toute la partie droite de la salle d'audience qui a sursauté. Constatant la bévue de l'huissier, le président Dominique Coujard a rectifié : "Monsieur Marcel Lorenzoni ne pourra vraisemblablement pas se présenter au procès."


Antoine Albertini
PROCES COLONNA - Jour#5 - Maître Benoit Chabert : "On ne peut pas conclure que seule une personne de grande taille peut être le tireur."


Interrogé sur les déclarations du Dr Paul Marcaggi hier, l'un des avocats de la parie civile a estimé qu'il "n'y avait aucune incompatibilité" entre la taille de Colonna et les conclusions des expertises menées sur le corps du préfet Claude Erignac.


"Les photos que nous avons projetées ce matin [des clichés réalisés pendant l'autopsie du préfet assassiné, ndlr] montrent de façon très claire que la trajectoire des balles mortelles n'est pas horizontale mais ascendante." Pour Maître Benoît Chabert, l'un des avocats de la partie civile, la déposition du Dr Paul Marcaggi, le médecin-légiste qui a procédé aux constatations après la mort du préfet Claude Erignac, ne permettent pas "de conclure que le tireur ne pouvait être qu'une personne de grande taille". "L'expert n'a jamais dit ce que nous avons entendu hier" a poursuivi l'avocat, qui a estimé nécessaire que M. Marcaggi "revienne dire pour quelles raisons il a voulu nous faire croire cela." Evoquant la taille de Pierre Alessandri, Me Chabert a également considéré que "la personne qui s'était accusée d'être le tireur a, de toute façon, à peu près la même taille qu'Yvan Colonna". A un journaliste qui lui demandait comment la famille Erignac avait ressenti les déclarations d'Yvan Colonna ce matin, Me Chabert a regretté que "Yvan Colonna ait poussé le cynisme aussi loin." "C'est ma conviction" a-t-il répété à trois reprises.


Antoine Albertini
PROCES COLONNA - Jour #5 - La famille Erignac à la barre, dans la douleur, la dignité et l'émotion


Ce matin, la veuve et les deux enfants du préfet assassiné sont venus décrire à la barre la personnalité "riche" et "attachante" de Claude Erignac.


C'est un exercice qu'on ne souhaite à personne. Au lendemain de l'examen, à l'audience, du corps affreusement supplicié de Claude Erignac, sa veuve Dominique et ses deux enfants sont venus à la barre évoquer la mémoire du préfet. Dignes, calmes et émouvants, tous trois ont réclamé la vérité "sans esprit de haine ni de vengeance". Exemplaires. Voici les principaux extraits de leur déposition. Dominique Erignac, 64 ans, veuve du préfet Claude Erignac "Je me souviens de ses dernières paroles en me déposant devant le théâtre : "A tout de suite..."" Extrêmement émue, Dominique Erignac n'a pu que lire un texte qu'elle a écrit. "J'ai toujours eu la conscience que rencontrer mon mari et partager sa vie était quelque chose de très important (...), tant de moments vécus et riches... Pour mon mari Claude, sa famille était quelque chose d'essentiel. L'autre chose essentielle était son métier de préfet, qu'il adorait. Pendant des mois, je me suis sentie coupable de ne pas avoir empêché mon mari d'aller à ce concert. Depuis dix ans, je suis seule et je veux connaître la vérité à laquelle mes enfants et moi avons droit (...) J'espère qu'ici, certaines personnes comprendront ce que je ressens (...) En arrivant en Corse, nous avons visité toute l'île en voiture (...) Nous aimions découvrir notre nouveau territoire (...) Nous trouvions cet endroit mgnifique, un spectacle à chaque virage. Il y avait la mer, la montagne, cette nature vierge. J'ai découvert avec enthousiasme cette terre de France bien lointaine pour moi, qui suis une femme du Nord. (...) Il y avait une ombre, cependant : l'absence de nos enfants qui étaient à l'université et desquels nous étions séparés pour la première fois. La maison était bien triste. (...) Depuis ce temps, je ne cesse de me poser une question : pourquoi ? Mon mari Claude aimait la vie, il la vivait pleinement (...) Il aimait rire et faire des blagues. Il était très attentif aux autres. Sa mort est à l'opposé de sa personnalité, elle ne fait pas partie de sa vie (...), la violence de sa mort la rend insupportable (...) Au soir du 6 février, ma vie a basculé (...) Quel sens donner à sa mort ? Je croyais que dans cette région [la Corse, ndlr], il y avait un code de l'honneur dont les habitants étaient très fiers. Mes enfants et moi avons droit à la vérité et mon mari Claude à la justice. Dix ans après, je me souviens de ses dernières paroles en me déposant devant le théâtre : "A tout de suite..."" Christophine Erignac, 34 ans, fille du préfet Claude Erignac "Il était mon repère dans la vie et il le restera". "Je vous remercie de nous donner cette parole aujourd'hui, c'est essentiel pour nous. Essentiel car il est important pour moi que mon père reprenne vie, reprenne corps. Depuis tant d'années, on essaie de l'effacer. Pour moi, il était beauocup plus que le préfet Erignac, que la victime de "l'affaire Erignac" (...) J'ai toujours en mémoire l'image de son corps, de son visage déchiqueté, de ce corps que l'on a achevé à terre. Il était bien loin de cette violence et de cette lâcheté (...) Il était mon repère dans la vie et il le restera. Je me souviens particulièrement d'une soirée, celle du 5 février 1998, la veille. Nous avions dîné, mon père, mon frère et moi car il était venu à Paris pour des raisons professionnelles. A cette époque, mon frère avait un scooter et en rentrant, nous avons traversé Paris en scooter. Je me souviens de mon père, le visage dans le vent, qui souriait. Je crois que ça lui rappellait sa jeunesse. c'est la dernière image que j'ai de mon père, je la conserve précieusement. (...) Le soir du 6 février, j'ai reçu un coup de téléphone de ma mère. Elle n'a pu me dire qu'une chose : "Ils l'ont tué, ils ont assassiné Papa..." Dix ans après, son absence est toujours présente en moi..." Charles-Antoine Erignac, 30 ans "Nous avons agi sans vengeance et sans haîne, dans l'esprit de ce que mon père nous avait enseigné." "Nous avons eu une vie un peu différente, itinérante, faite d'ouvertures, de découvertes, de nouvelles rencontres (...) Je garde le souvenir d'un très bon père, quelqu'un qui nous faisait pleinement partager sa vie (...) Papa était un homme plein de volonté, un grand cycliste, un grand tennisman qui était même devenu champion de Corse de sa catégorie. Il était un homme de grande culture qui aimait découvrir, comprendre, se renseigner, il était très curieux et passionné d'histoire. Mais il était aussi d'une grande rigueur, il avait de l'autorité quand il le fallait. Il était d'ailleurs très exigeant avec lui-même (...) mais ce n'était pas quelqu'un de renfermé, il aimait briser la glace (...) Vous comprendrez d'autant mon désarroi et ma détresse ce 6 février 1998 (...) Je suis rentré chez moi après un dîner avec des amis, il y avait beaucoup de messages raccrochés sur mon répondeur téléphonique, certains semblaient très alarmants. J'ai allumé la radio et j'ai écouté France Info : "le préfet de Corse a été assassiné." Depuis dix ans, nous avons agi sans haine, sans vengeance, dans l'esprit de ce que nous avait enseigné mon père. Nous avons droit à la justice. Papa a droit à la justice."


Antoine Albertini
PROCES COLONNA - Jour #5 - La famille Erignac à la barre, dans la douleur, la dignité et l'émotion


Ce matin, la veuve et les deux enfants du préfet assassiné sont venus décrire à la barre la personnalité "riche" et "attachante" de Claude Erignac.


C'est un exercice qu'on ne souhaite à personne. Au lendemain de l'examen, à l'audience, du corps affreusement supplicié de Claude Erignac, sa veuve Dominique et ses deux enfants sont venus à la barre évoquer la mémoire du préfet. Dignes, calmes et émouvants, tous trois ont réclamé la vérité "sans esprit de haine ni de vengeance". Exemplaires. Voici les principaux extraits de leur déposition. Dominique Erignac, 64 ans, veuve du préfet Claude Erignac "Je me souviens de ses dernières paroles en me déposant devant le théâtre : "A tout de suite..."" Extrêmement émue, Dominique Erignac n'a pu que lire un texte qu'elle a écrit. "J'ai toujours eu la conscience que rencontrer mon mari et partager sa vie était quelque chose de très important (...), tant de moments vécus et riches... Pour mon mari Claude, sa famille était quelque chose d'essentiel. L'autre chose essentielle était son métier de préfet, qu'il adorait. Pendant des mois, je me suis sentie coupable de ne pas avoir empêché mon mari d'aller à ce concert. Depuis dix ans, je suis seule et je veux connaître la vérité à laquelle mes enfants et moi avons droit (...) J'espère qu'ici, certaines personnes comprendront ce que je ressens (...) En arrivant en Corse, nous avons visité toute l'île en voiture (...) Nous aimions découvrir notre nouveau territoire (...) Nous trouvions cet endroit mgnifique, un spectacle à chaque virage. Il y avait la mer, la montagne, cette nature vierge. J'ai découvert avec enthousiasme cette terre de France bien lointaine pour moi, qui suis une femme du Nord. (...) Il y avait une ombre, cependant : l'absence de nos enfants qui étaient à l'université et desquels nous étions séparés pour la première fois. La maison était bien triste. (...) Depuis ce temps, je ne cesse de me poser une question : pourquoi ? Mon mari Claude aimait la vie, il la vivait pleinement (...) Il aimait rire et faire des blagues. Il était très attentif aux autres. Sa mort est à l'opposé de sa personnalité, elle ne fait pas partie de sa vie (...), la violence de sa mort la rend insupportable (...) Au soir du 6 février, ma vie a basculé (...) Quel sens donner à sa mort ? Je croyais que dans cette région [la Corse, ndlr], il y avait un code de l'honneur dont les habitants étaient très fiers. Mes enfants et moi avons droit à la vérité et mon mari Claude à la justice. Dix ans après, je me souviens de ses dernières paroles en me déposant devant le théâtre : "A tout de suite..."" Christophine Erignac, 34 ans, fille du préfet Claude Erignac "Il était mon repère dans la vie et il le restera". "Je vous remercie de nous donner cette parole aujourd'hui, c'est essentiel pour nous. Essentiel car il est important pour moi que mon père reprenne vie, reprenne corps. Depuis tant d'années, on essaie de l'effacer. Pour moi, il était beauocup plus que le préfet Erignac, que la victime de "l'affaire Erignac" (...) J'ai toujours en mémoire l'image de son corps, de son visage déchiqueté, de ce corps que l'on a achevé à terre. Il était bien loin de cette violence et de cette lâcheté (...) Il était mon repère dans la vie et il le restera. Je me souviens particulièrement d'une soirée, celle du 5 février 1998, la veille. Nous avions dîné, mon père, mon frère et moi car il était venu à Paris pour des raisons professionnelles. A cette époque, mon frère avait un scooter et en rentrant, nous avons traversé Paris en scooter. Je me souviens de mon père, le visage dans le vent, qui souriait. Je crois que ça lui rappellait sa jeunesse. c'est la dernière image que j'ai de mon père, je la conserve précieusement. (...) Le soir du 6 février, j'ai reçu un coup de téléphone de ma mère. Elle n'a pu me dire qu'une chose : "Ils l'ont tué, ils ont assassiné Papa..." Dix ans après, son absence est toujours présente en moi..." Charles-Antoine Erignac, 30 ans "Nous avons agi sans vengeance et sans haîne, dans l'esprit de ce que mon père nous avait enseigné." "Nous avons eu une vie un peu différente, itinérante, faite d'ouvertures, de découvertes, de nouvelles rencontres (...) Je garde le souvenir d'un très bon père, quelqu'un qui nous faisait pleinement partager sa vie (...) Papa était un homme plein de volonté, un grand cycliste, un grand tennisman qui était même devenu champion de Corse de sa catégorie. Il était un homme de grande culture qui aimait découvrir, comprendre, se renseigner, il était très curieux et passionné d'histoire. Mais il était aussi d'une grande rigueur, il avait de l'autorité quand il le fallait. Il était d'ailleurs très exigeant avec lui-même (...) mais ce n'était pas quelqu'un de renfermé, il aimait briser la glace (...) Vous comprendrez d'autant mon désarroi et ma détresse ce 6 février 1998 (...) Je suis rentré chez moi après un dîner avec des amis, il y avait beaucoup de messages raccrochés sur mon répondeur téléphonique, certains semblaient très alarmants. J'ai allumé la radio et j'ai écouté France Info : "le préfet de Corse a été assassiné." Depuis dix ans, nous avons agi sans haine, sans vengeance, dans l'esprit de ce que nous avait enseigné mon père. Nous avons droit à la justice. Papa a droit à la justice."


Antoine Albertini
PROCES COLONNA - Jour #5 - L'accusé Colonna face aux forums Internet


Sur les forums de discussion ouverts sur les sites de nombreux media, les avis se succèdent. Baromètre de l'opinion du web.


Sur le net, c'est un peu comme à la Samaritaine. On trouve de tout ! Des personnes convaincues de l'innocence d'Yvan Colonna, d'autres qui s'interrogent sans parti-pris, d'autres qui le croient ou même le veulent coupable contre vents et marées. Des messages sensés, argumentés, des considérations à deux sous sur les Corses, des propos navrants écrits dans un français plus que titubant, des vannes éculées. La confrontation, curieusement, n'est pas systématiquement, comme on aurait pu le craindre, entre internautes corses et internautes continentaux. Plutôt entre ceux, quelle que soit leur origine, qui ont un cerveau en état de marche, se plaisent à le faire fonctionner régulièrement et se souviennent que l'homme est un roseau pensant. Et ceux qui l'ont oublié un jour, peut-être au Café du commerce, peut-être sur les gradins de quelques tribune de tifosi ultras, parmi des canettes de bière écrasées, peut-être sous le meuble-télé où il tient désormais compagnie aux moutons de poussière et n'ont pas jugé utile d'aller le réclamer aux objets trouvés, préférant se complaire à anonner le bon vieux bréviaire des idées reçues. Morceaux choisis. En respectant la graphie des auteurs... Sur le site du Nouvel Obs, après la publication du compte-rendu de la déposition du légiste, selon laquelle l'assassin du préfet Claude Erignac aurait été un individu de stature plus élevée que Yvan Colonna, un certain Bonne Aparté s'essaie à l'humour : « l'assassin a la maladie des bras trop courts, une maladie courante en Corse ! » Le spirituel luron ne semble pas conscient que son affirmation tendrait à indiquer que, dans ce cas, les probabilités pour qu'un Corse soit coupable du meurtre n'en sont que plus minces. Curieusement, son message sera effacé. Qu'importe ? Bonne Aparté doit déjà être en train de rire de son bon mot avec les copains, autour d'une mousse ou deux - et plus si affinités ! Pour sa part Clo s'interroge : « et la présomption d'innocence, alors? Je suis les évolutions successives de cette affaire, qui m'intrigue beaucoup. Ce témoignage du médecin légiste est aussi un constat que nul ne peut contester. J'avoue que je ne suis pas du tout persuadée de la culpabilité de Colonna.(!) Nous avons revu, au JT, la séquence ou Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, annonçait triomphalement que "la police française venait d'arrêter l'assassin du préfet Erignac" fin de citation. S'il s'avère que Colonna est innocent, je pense qu'il mérite des excuses pour ces propos, n'ayant pas eu droit, comme Laporte, à la présomption d'innocence en attendant son procès. » Cependant que Topoch a peut-être un début d'explication : « le médecin a-t-il lui aussi reçu des menaces ou a t-il une quelconque parenté corse ? » Quant à Behr, il livre ce curieux message : « J'ai la bizarre sensation, bien que je sois pour la présemtion (Sic ! ) d'innocence, qu'on est en train de mettre en place une procédure de non lieu.... » Pour la présomption d'innocence, mais ça souffre des exceptions en somme ? Sur le site de Libé, on se passionne, on prend fait et cause, notamment après le papier de Patricia Tourancheau selon lequel, en se bornant à nier sa participation à l'attaque de Pietrosella et à l'assassinat du préfet, Colonna aurait laissé passer l'occasion de s'expliquer. « Justice à l'américaine ? s'interroge Laurent. Hallucinant ! Je n'ai aucune idée ni aucune position sur la culpabilité éventuelle de Colonna, mais ça n'est pas à LUI d'établir quoique ce soit ! C'est à la justice d'ETABLIR une culpabilité ! Quand un être humain exprime qu'il n'était pas présent lors de certains faits, pourquoi insiste t-on pour avoir davantage ? Quand on n'est pas là, on n'est pas là ! Y'a rien à dire de plus ! Et cette expression n'est en rien une perte d'occasion de s'expliquer, c'est une explication entière et totale ! Ensuite, qu'elle soit confrontée aux autres témoignages, mais cet article est clairement partial et ce juge également ! Ceci dit, pour un crime politique, qu'attendre d'autre d'une justice et d'une presse majoritairement corrompue ? » Traroth objecte que « Colonna a fuit (sic) et s'est caché pendant 5 ans. C'est quelque chose que les innocents ne font pas, normalement. Il aurait pu dire un mot là-dessus, par exemple. Il est certain que ce n'est pas à lui d'apporter la preuve de son innocence, mais ça ne veut pas dire qu'il ne peut pas expliquer un certain nombre de comportements bizarres, surtout si on lui en donne l'opportunité, ce qui n'est pas commun. » De son côté, Jadot dont le coeur semble voué à balancer à jamais entre les haïkus et l'Almanach Vermot lâche pour tout commentaire « ô mer t'as ». Sur le site du Figaro où un forum spécial corse est mis en place depuis plusieurs années, c'est somme toute assez feutré. Nota5 ouvre les hostilités le 13 avec un post intitulé « Présumé coupable » : « Pour ma part, avec ce que j'ai pu lire dans la presse, colonna est un présumé coupable. ca suffit l'hypocrisie. » Réponse de BAM, un des plus anciens internautes corses inscrits sur le forum : « J'espère que la Justice se prononcera en fonction des éléments concrets de l'enquête et non de ce que peut en dire la presse. » Mais dans l'ensemble, le procès génère moins de commentaires qu'on aurait pu s'y attendre sur ce forum permanent où les échanges d'amabilités pour un oui et un non sont généralement fournis.


Elisabeth Milleliri
PROCES COLONNA - Jour #5 - La "mission impossible" du préfet Claude Erignac


Le président a donné lecture de deux lettres rédigées par le préfet Claude Erignac avant et après sa nomination en Corse. Le haut fonctionnaire y décrit une "mission impossible".


Deux feuillets pour dire l'inquiétude d'un homme, deux lettres aux en-têtes différents mais aux préoccupations identiques : celles d'un préfet peu réjoui et inquiet d'une nomination en Corse. A la veille de son départ pour l'île, Claude Erignac, en poste à Versailles, prend sa plume. Sur du papier à en-tête du préfet des Yvelines, il trace ces quelques mots : "Histoire d'un piège, chapitre un". Le préfet vient d'apprendre qu'il sera nommé en Corse. Une "marque de confiance du président de la république", note-t-il, mais aussi, il l'écrit comme il le pressent : une "mission impossible" entre "négociations plus ou moins secrètes" et "restauration de l'autorité de l'Etat". Claude Erignac désigne même Pierre-Etienne Bisch*, éminence grise de Charles Pasqua comme ayant joué un rôle décisif dans son affectation en Corse. Il s'interroge, aussi, sur l'état d'esprit de son épouse, elle non plus guère réjouie de devoir boucler ses valises pour l'île : "Dominique fait contre mauvaise fortune, bon coeur. Il faudra lui prévoir des respirations parisiennes." La seconde lettre débute par ces quelques mots, qui confirment le malaise du préfet : "En une semaine, le bilan est simple : 2 morts, 2 assassinats en plein jour..." Le préfet explique qu'il a appris la nouvelle en pleine réunion technique. Il dévide le fil de ses craintes, confirmées par les faits : des revendications de socioprofessionnels "qui veulent le beurre" et l'argent du beurre., une situation délétère. Les idées noires, Claude Erignac décrit le décor "médiocre" de la préfecture de Corse, une sorte de "palais italien bien délabré" qui lui fait regretter le "grand luxe de Versailles", une affectation qu'il avoue pourtant n'avoir jamais aimée. Son action en Corse ? "Les dossiers techniques" explique le préfet. Non pas le "domaine politique" que se réserve Paris. Ses premières vues de la Corse contrastent singulièrement avec ce que vient d'en dire sa veuve, Dominique (voir les extraits de sa déposition : "Il m'a dit "à tout de suite"...") : "le bord de mer est nul et sale, l'intérieur ressemble à la Lozère." Interrogé à la barre sur les sentiments qu'inspirait à son père sa nomination en Corse, Charles-Antoine Erignac, 30 ans explique : "Il m'avait dit : c'est une mission impossible. Il n'en avait pas envie, tout simplement." * notice biographique complète et CV disponibles sur : http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre-Etienne_Bisch


Antoine Albertini
PROCES COLONNA - Jour #5 - Yvan Colonna à la famille Erignac : "Je ne l'ai pas tué"


Alors que le président Coujard s'apprêtait à suspendre l'audience ce matin, l'accusé s'est adressé à la famille Erignac.


Il était peu avant midi et l'audience de ce matin, occupée par les émouvantes dépositions de la famille Erignac, lorsque Yvan Colonna s'est levé. "Monsieur, le président, j'aimerais m'adresser à la famille, si je le peux." Puis, faisant face à Dominique, la veuve du préfet, Christophine et Charles-Antoine, ses enfants et Robert, le frère du haut fonctionnaire assassiné, l'accusé parle d'une voix calme : "madame, mademoiselle, messieurs, je sais qu'il est difficile pour vous de m'écouter. cela fait huit ans et demi qu'on vous dit que je suis l'assassin de votre mari, de votre père, de votre frère. Je sais que vous voulez la vérité. Mais je le répète depuis le début : ce n'est pas moi qui ai tué votre mari, votre père, votre frère." Yvan Colonna observe une pause et répète la phrase. Il reprend : "J'ai écouté vos témoignages. Vous avez droit à la vérité. Je respecte votre cher disparu comme je respecte votre deuil." Dans un silence de cathédrale, l'audience est suspendue.


Antoine Albertini
PROCES COLONNA - jour #4 - 15 novembre 2007 - "Le tireur était de grande stature"


Cela ressemble à un coup de théâtre. Interrogé au quatrième jour de l'audience de la Cour d'assise spécialement composée, le docteur Paul Marcaggi, le médecin légiste qui a examiné le cadavre du préfet Claude Erignac, vient de déclarer que "le tireur était un sujet de grande stature." Or, Yvan Colonna ne mesure qu'1m72.


Dans la salle où la presse peut assister à la retransmission des débats, la phrase prononcée par le docteur Paul Marcaggi a été ponctuée d'exclamations sourdes. "Je suis formel, a déclaré le médecin : compte tenu des éléments constatés sur place, le sujet [le tireur, ndlr] était un homme de grande stature." Pour illustrer son propos, M. Marcaggi détaille longuement l'angle des tirs et la position du préfet Claude Erignac au moment où les balles mortelles l'ont atteint et mime, le bras tendu, le geste de l'assassin. "L'homme était au moins aussi grand que le préfet, poursuit le médecin; il est établi que M. Erignac mesurait 1m83." La "révélation" - en réalité déjà évoquée en cours d'instruction sans que des investigations complémentaires n'aient lieu - s'appuie sur les constatations : un orifice d'entrée "parfaitement horizontal" et une position en surplomb du préfet, qui enjambait l'arrête d'une marche au moment de son assassinat. "Une scène de cirme n'est jamais figée" explique ensuite le légiste. Mais la difficulté, elle, est de "taille" : Yvan Colonna ne mesure 1m72. "Ces éléments sont importants, ils auraient pu être corroborrés pas la reconstitution mais on nous l'a systématiquement refusée" a alors expliqué Maître Antoine Sollacaro.


Antoine Albertini
PROCES COLONNA - jour #4 - 15 novembre 2007 - Le commissaire Frizon sur le grill


Pour ce quatrième jour d'audience, la défense a sérieusement malmené l'ex-bras droit de Roger Marion à la DNAT.


"J'ai l'impression de voir un candidat passer le bac français sans avoir révisé." La sentence provient d'un journaliste confortablement installé en salle de vidéo-transmission, où la presse peut assister, en direct, aux débats qui se déroulent dans la salle d'audience. A la barre, Philippe Frizon, ancien adjoint de Roger Marion à la DNAT (actuelle SDAT). ce dernier est venu expliquer le travail d'analyse mené par les policiers sur les communiqués de revendication des "attentats préparatoires" et de l'assassinat du préfet Claude Erignac.n "On a l'impression, en lisant les PV, que les mises en garde contenues dans certains communiqués n'ont été prises au sérieux que le 8 février 1998", soit deux jours après l'assassinat, note le président Dominique Coujard. Dans sa déposition, Philippe Frizon se trompe sur les dates et fournit des explications passablement embrouillées. "En définitive, c'était un peu flou pendant cette période", remarque perfidement le ministère public. "Vous savez, mois, j'ai commencé à m'occuper du dossier à partir de 1998" explique Frizon. En clair : pour les communiqués remontant à 1997, voyez caisse. C'est d'ailleurs la ligne de fuite empruntée par le policier. Aux questions gênantes de la défense, il répond invariablement : "demandez aux magistrats instructeurs." Evoquant des "confusions revendicatives", pendant tardif des "similitudes sémantiques" mises en avant par la DNAT en 1998 pour justifier les charrettes de militants vers Paris, le commissaire peine à décrypter le processus, certes complexe, qui a mené le groupe Sampieru et les "Anonymes" à multplier les communiqués de revendication et de mise en garde. La première charge de la défense sera menée par maître Pascal Garbarini. "Vous venez de parler de "recherches sommaires" à propos de certains communiqués. Vous voulez dire que, disposant de communiqués revendiquant un attentat et l'imminence d'un assassinat, vous n'avez mené que des "recherches sommaires" ?" Vient le tour de maître Gilles Simeoni. ce dernier va se livrer à une démonstration aussi méthodique qu'implacable. - "Monsieur le commissaire, demande l'avocat d'un air matois, pouvez-vous nous dire qui sont, selon vous, les rédacteurs du communiqué du 6 septembre 1997 ?" - "Non" répond le policier. Idem pour les autres communiqués, que Me Simeoni décline les uns après les autres. L'avocat poursuit : "- Vous n'avez donc, après ces huit années, aucune explication à fournir sur l'identité de ceux qui ont rédigé et/ou envoyé ces communiqués à la presse ?" Le policier s'emporte : "- Nous avons mené un travail très important d'analyse pendant plus de huit mois en 1998." -"Pour aboutir à quelles conclusions ?" interroge Me Simeoni. Silence du témoin. - "Vous voulez donc dire que votre travail n'a pas abouti, n'a servi à rien ? Près de dix ans après les faits, vous ne savez toujours qui a bien pu rédiger ces communiqués ?" Silence du témoin. - "J'oubliais, ironise Me Simeoni : il a abouti à deux acquittements." En février 2006, à l'occasion du procès d'appel de Jean Castela et Vincent Andriuzzi, le commissaire Frizon avait déjà été considérablement malmené par la défense : PV bâclés, procédure incomplète, le catalogue des critiques avait achevé d'emporter l'intime conviction des magistrats. Et le procès s'était soldé par la libération de castela et Andriuzzi. Ces "confusions" n'allègent certes pas les charges retenues contre Yvan Colonna. Mais elles contribuent à fragiliser une accusation qui commence à montrer ses failles.


Antoine Albertini
PROCES COLONNA - jour #4 - 15 novembre 2007 - Le commissaire Frizon sur le grill


Pour ce quatrième jour d'audience, la défense a sérieusement malmené l'ex-bras droit de Roger Marion à la DNAT.


"J'ai l'impression de voir un candidat passer le bac français sans avoir révisé." La sentence provient d'un journaliste confortablement installé en salle de vidéo-transmission, où la presse peut assister, en direct, aux débats qui se déroulent dans la salle d'audience. A la barre, Philippe Frizon, ancien adjoint de Roger Marion à la DNAT (actuelle SDAT). ce dernier est venu expliquer le travail d'analyse mené par les policiers sur les communiqués de revendication des "attentats préparatoires" et de l'assassinat du préfet Claude Erignac.n "On a l'impression, en lisant les PV, que les mises en garde contenues dans certains communiqués n'ont été prises au sérieux que le 8 février 1998", soit deux jours après l'assassinat, note le président Dominique Coujard. Dans sa déposition, Philippe Frizon se trompe sur les dates et fournit des explications passablement embrouillées. "En définitive, c'était un peu flou pendant cette période", remarque perfidement le ministère public. "Vous savez, mois, j'ai commencé à m'occuper du dossier à partir de 1998" explique Frizon. En clair : pour les communiqués remontant à 1997, voyez caisse. C'est d'ailleurs la ligne de fuite empruntée par le policier. Aux questions gênantes de la défense, il répond invariablement : "demandez aux magistrats instructeurs." Evoquant des "confusions revendicatives", pendant tardif des "similitudes sémantiques" mises en avant par la DNAT en 1998 pour justifier les charrettes de militants vers Paris, le commissaire peine à décrypter le processus, certes complexe, qui a mené le groupe Sampieru et les "Anonymes" à multplier les communiqués de revendication et de mise en garde. La première charge de la défense sera menée par maître Pascal Garbarini. "Vous venez de parler de "recherches sommaires" à propos de certains communiqués. Vous voulez dire que, disposant de communiqués revendiquant un attentat et l'imminence d'un assassinat, vous n'avez mené que des "recherches sommaires" ?" Vient le tour de maître Gilles Simeoni. ce dernier va se livrer à une démonstration aussi méthodique qu'implacable. - "Monsieur le commissaire, demande l'avocat d'un air matois, pouvez-vous nous dire qui sont, selon vous, les rédacteurs du communiqué du 6 septembre 1997 ?" - "Non" répond le policier. Idem pour les autres communiqués, que Me Simeoni décline les uns après les autres. L'avocat poursuit : "- Vous n'avez donc, après ces huit années, aucune explication à fournir sur l'identité de ceux qui ont rédigé et/ou envoyé ces communiqués à la presse ?" Le policier s'emporte : "- Nous avons mené un travail très important d'analyse pendant plus de huit mois en 1998." -"Pour aboutir à quelles conclusions ?" interroge Me Simeoni. Silence du témoin. - "Vous voulez donc dire que votre travail n'a pas abouti, n'a servi à rien ? Près de dix ans après les faits, vous ne savez toujours qui a bien pu rédiger ces communiqués ?" Silence du témoin. - "J'oubliais, ironise Me Simeoni : il a abouti à deux acquittements." En février 2006, à l'occasion du procès d'appel de Jean Castela et Vincent Andriuzzi, le commissaire Frizon avait déjà été considérablement malmené par la défense : PV bâclés, procédure incomplète, le catalogue des critiques avait achevé d'emporter l'intime conviction des magistrats. Et le procès s'était soldé par la libération de castela et Andriuzzi. Ces "confusions" n'allègent certes pas les charges retenues contre Yvan Colonna. Mais elles contribuent à fragiliser une accusation qui commence à montrer ses failles.


Antoine Albertini
PROCES COLONNA - Jour #3 - "A ce stade, rien ne permet de désigner monsieur Colonna..."


Le président Dominique Coujard.


Alors que la cour examine le volet "Pietrosella" du dossier, Dominique Coujard, président de la cour d'assises, rebondit sur les propos de maître Antoine Sollacaro sur l'absence d'éléments matériels au stade des débats.


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PROCES COLONNA - jour #4 - 15 novembre 2007 - Le commissaire Frizon sur le grill


Pour ce quatrième jour d'audience, la défense a sérieusement malmené l'ex-bras droit de Roger Marion à la DNAT.


"J'ai l'impression de voir un candidat passer le bac français sans avoir révisé." La sentence provient d'un journaliste confortablement installé en salle de vidéo-transmission, où la presse peut assister, en direct, aux débats qui se déroulent dans la salle d'audience. A la barre, Philippe Frizon, ancien adjoint de Roger Marion à la DNAT (actuelle SDAT). ce dernier est venu expliquer le travail d'analyse mené par les policiers sur les communiqués de revendication des "attentats préparatoires" et de l'assassinat du préfet Claude Erignac.n "On a l'impression, en lisant les PV, que les mises en garde contenues dans certains communiqués n'ont été prises au sérieux que le 8 février 1998", soit deux jours après l'assassinat, note le président Dominique Coujard. Dans sa déposition, Philippe Frizon se trompe sur les dates et fournit des explications passablement embrouillées. "En définitive, c'était un peu flou pendant cette période", remarque perfidement le ministère public. "Vous savez, mois, j'ai commencé à m'occuper du dossier à partir de 1998" explique Frizon. En clair : pour les communiqués remontant à 1997, voyez caisse. C'est d'ailleurs la ligne de fuite empruntée par le policier. Aux questions gênantes de la défense, il répond invariablement : "demandez aux magistrats instructeurs." Evoquant des "confusions revendicatives", pendant tardif des "similitudes sémantiques" mises en avant par la DNAT en 1998 pour justifier les charrettes de militants vers Paris, le commissaire peine à décrypter le processus, certes complexe, qui a mené le groupe Sampieru et les "Anonymes" à multplier les communiqués de revendication et de mise en garde. La première charge de la défense sera menée par maître Pascal Garbarini. "Vous venez de parler de "recherches sommaires" à propos de certains communiqués. Vous voulez dire que, disposant de communiqués revendiquant un attentat et l'imminence d'un assassinat, vous n'avez mené que des "recherches sommaires" ?" Vient le tour de maître Gilles Simeoni. ce dernier va se livrer à une démonstration aussi méthodique qu'implacable. - "Monsieur le commissaire, demande l'avocat d'un air matois, pouvez-vous nous dire qui sont, selon vous, les rédacteurs du communiqué du 6 septembre 1997 ?" - "Non" répond le policier. Idem pour les autres communiqués, que Me Simeoni décline les uns après les autres. L'avocat poursuit : "- Vous n'avez donc, après ces huit années, aucune explication à fournir sur l'identité de ceux qui ont rédigé et/ou envoyé ces communiqués à la presse ?" Le policier s'emporte : "- Nous avons mené un travail très important d'analyse pendant plus de huit mois en 1998." -"Pour aboutir à quelles conclusions ?" interroge Me Simeoni. Silence du témoin. - "Vous voulez donc dire que votre travail n'a pas abouti, n'a servi à rien ? Près de dix ans après les faits, vous ne savez toujours qui a bien pu rédiger ces communiqués ?" Silence du témoin. - "J'oubliais, ironise Me Simeoni : il a abouti à deux acquittements." En février 2006, à l'occasion du procès d'appel de Jean Castela et Vincent Andriuzzi, le commissaire Frizon avait déjà été considérablement malmené par la défense : PV bâclés, procédure incomplète, le catalogue des critiques avait achevé d'emporter l'intime conviction des magistrats. Et le procès s'était soldé par la libération de castela et Andriuzzi. Ces "confusions" n'allègent certes pas les charges retenues contre Yvan Colonna. Mais elles contribuent à fragiliser une accusation qui commence à montrer ses failles.


Antoine Albertini
PROCES COLONNA - Jour #3 - Les "chimères" du gendarme Didier Paniez


L'audience de ce matin s'est conclue par la déposition du gendarme Didier Paniez, l'un des deux militaires capturés par le commando nationaliste qui a pris d'assaut et dynamité la gendarmerie de Pietrosella dans la nuit du 5 au 6 septembre 1997. En voici les principaux extraits.


"Le 5 septembre 1997, je suis parti en patrouille sur la commune de Porticcio. A notre retour, je suis sorti de mon véhicule pour ouvrir le portail. Lors d'une patrouille, c'est le seul moment où un binôme est séparé. Le gendarme Herniaux est resté dans le véhicule. Lorsque j'ai actionné le portail, j'ai entendu du bruit dans le buisson derrière moi et la voix de quelqu'un qui semblait vouloir crier sans pouvoir le faire. L'homme m'a mis la main sur l'épaule et quand je me suis retourné, j'ai vu un homme en cagoule avec une veste de treillis. Je me suis dit que c'était un gendarme mobile en manoeuvre car il leur arrivait de s'entraîner fréquemment aux abords de l'unité. Alors, je lui ai fait une balayette, il a été déséquilibré et un second type est venu, il m'a mis le canon d'un fusil de chasse sur la tempe. Là, mon esprit s'est arrêté, j'étais incapable de bouger. Il m'a pris par la chemise et m'a aidé à me déplacer parce que j'étais tétanisé. J'ai buté contre une borne kilométrique et je suis tombé à la renverse. C'est quand ils m'ont dit de m'allonger que j'ai compris que c'était des terroristes. Ils ont voulu me rassurer : "ne t'inquiète pas, on n'en veut ni aux gendarmes, ni aux familles. Ca va bien se passer." L'un d'eux, celui dont la voix était la plus jeune, était très nerveux. L'autre, celui que j'appelerais "le Vieux" était beaucoup plus calme, beaucoup plus posé. Ils m'ont fait monter dans le fourgon où trois autres hommes avaient pris place avec mon collègue. Je m'en souviendrais : deux d'entre eux portaient des képis par-dessus leurs cagoules. Nous avons commencé à rouler et ils paraissaient tous sous pression parce que, visiblement, ils ne recevaient pas de réponse d'un autre groupe. L'un des malfaiteurs avait un moyen radio, il a demandé : "Ici Jacob, opération terminée. Tu me reçois, King ?" Mais il n'a obtenu aucune réponse. Soudain, l'un des terroristes dans le fourgon a demandé : "Qu'est-ce qu'on fait, on les bute ?" et une voix a répondu : "Non, ils ont été corrects, on ne les bute pas." Et puis tout coup, ils ont reçu trois bips sur le talkie walkie et ils ont été tous très soulagés. Nous avons encore roulé, je pouvais distinguer la route lorsqu'elle était éclairée à travers le sac en toile de jute qu'ils nous avaient mis sur la tête. Environ 100 mètres après un croisement, nous avons vu une voiture arriver en face qui nous a fait des appels de phare. Le véhicule dans lequel nous étions s'est arrêté. Ils nous ont fait sortir et nous sommes rentrés dans les ronces. Dix à quinze mètres plus loin, ils nous ont fait nus allonger sur le sol et je me suis dit, là, je vais prendre une balle dans la tête, c'est terminé. Ma femme était enceinte et j'ai pensé à ma petite fille qui ne me connaîtrait jamais. Elle a neuf ans aujourd'hui, elle s'appelle Serena, c'est un prénom corse. (...) Dès qu'ils se sont éloignés, j'ai défait mes liens et j'ai voulu aller regagner la route pour essayer de relever une immatriculation. J'ai distingué le fourgon qui partait à vive allure mais j'ai entendu des voix qui parlaient corse. Du coup, je suis allé chercher du secours et c'est là que j'ai appris que la gendarmerie, à Pietrosella, avait été plastiquée. Aujourd'hui, je suis déclaré inapte au port d'armes, je n'ai pas pu passer le concours d'officier, je suis complètement bloqué dans ma carrière. Et puis je vis avec cette chimère tous les soirs. Je ressens de la culpabilité : l'une des armes qui nous a été volées ce soir-là a servi à l'assassinat du préfet Erignac."


Antoine Albertini
PROCES COLONNA, jour #3 - Portrait d'Yvan Colonna, suite et fin.


Dernier jour de l'examen de personnalité d'Yvan Colonna. Du "bon père de famille" à la "rudoyance" de l'étudiant en sports à Nice, Pierrette Serreri et Daniel Herrero livrent leurs sentiments. Mais le témoignage le plus émouvant est venu de Philippe Sougnac, un ami des années niçoises.


"Je ne vois toujours pas ce qu'il fait là". A la barre, Pierrette Serreri, compagne d'Yvan Colonna, termine presque sa déposition. Bien mise, vêtue de noir, les cheveux lâchés quand elle les retenait noués depuis deux jours, Pierrette Serreri l'avoue : "C'est difficile pour moi de parler de lui devant vous, il est mon compagnon." A quelques centimètres de Pierrette, la famille Erignac est penchée sur des notes. Pour masquer le malaise devant la compagne de l'asassin présumé de Claude Erignac ? Personne ne peut le savoir : la veuve et les enfants du défunt préfet se montrent, depuis deux jours, d'une extrême discrétion. Un magistrat questionne la mère de Ghjuvan'Battista : - "Parliez-vous politique avec M. Colonna ?" - "Non, répond le témoin; je n'ai jamais fait de politique, je ne suis jamais allée à une seule réunion." - "Et Yvan Colonna vous parlait-il de ses idées ?" poursuit le magistrat. - "Pas plus que ça. Il était militant nationaliste, il l'est toujours mais nous n'avions pas de discussions de ce genre." Conceptualisation, rudoyance et verbiage Deux minutes plus tard, voici la haute stature de Daniel Herrero qui saisit la barre à pleines mains. Au front, l'éternel bandeau rouge que l'ex-joueur de rugby ne semble jamais quitter. Herrero aime bien les adjectifs et les termes un peu compliqués. Avec son accent du sud, il décline les étapes de sa rencontre avec Colonna. "C'était dans les années 78 - 80, il était mon étudiant en pédagogie des sport collectifs. Très appliqué, je l'ai tout de suite remarqué." On apprend ainsi qu'Yvan Colonna était "très engagé dans la pratique, constant et participatif." Ah. "Solidaire et très volontaire, doué d'un véritable appêtit de l'engagment." Hum. Les choses vont se corser légèrement lorsque Daniel Herrero évoque "une capacité de conceptualisation, une composante relationnelle qui pouvait le mener jusqu'à une certaine forme de rudoyance." Bigre. Le président Coujard plisse le regard, scrutant les mots qui franchissent les lèvres d'Herrero pour en deviner le sens caché. Le problème, c'est qu'il n'y en a probablement pas : c'est juste la manière de parler du témoin. Une faconde ponctuée de "Tu vois ?" adressés aux magistrats. "Je savais peu de choses de sa vie, tu vois ? J'ai appris plus tard qu'il était reparti sur sa terre de Corse et plus tard encore, tu vois ?, j'ai été heureux de constater qu'en plus de son métier de berger, il est devenu éducateur bénévole." Quant à la personnalité de l'accusé, hormis cette fameuse tendance à la "rudoyance", on apprenait heureusement, à la fin de la déposition, qu'il "n'a jamais eu d'ego boursouflé". Magistrats et journalistes doutent un peu du ton, des mots. Heureusement, l'un des gendarmes de faction apporte un soutien inespéré à Herrero : "Vous ave vu comme il parle bien ? Ah ben, faut dire que c'est un pédagogue, hein." C'est sûr. "Tout nous séparait : il avait déjà ses idées, j'étais pied-noir." Le témoignage le plus émouvant viendra, ce matin, de Philippe Sougnac, un ami proche d'Yvan Colonna rencontré sur les bancs de la fac à Nice. D'une voix douce, cet homme de 47 ans - le même âge que Colonna - exprime sa difficulté à "supporter la charge émotionnelle". Il trouve les mots face à la famille Erignac : "Je voudrais dire à Mme Erignac et ses enfants que le soir du 6 février 1998, la Corse est tombée dans l'effroi." Il fixe le président Coujard dans un silence de plomb. "J'ai le privilège d'être devenu l'ami d'Yvan Colonna. Tout nous séparait : nous nous sommes rencontrés à Nice en 1978, c'était trois ans après Aleria. Il avait déjà ses idées nationalistes. Moi, je suis pied-noir. Il est issu d'une famille de gauche. Ma famille est de droite. Pourtant, nous nous sommes rapprochés parce qu'il allait toujours vers les autres. D'une voix entrecoupée de courts silences, nouée par l'émotion, Philippe Sougnac poursuit : "le besoin charnel de rentrer, de marcher dans la montagne était supérieur dans son esprit à celui de s'engager politiquement." A l'époque, se souvient le témoin, il avait même tenté de le dissuader de regagner la Corse. Avec une pudeur touchante, il explique avoir ressenti le départ d'Yvan Colonna pour l'île "comme une séparation sentimentale." Et lorsque le président Coujard l'interroge sur "l'enfermement" que peut incarner un choix de vie comme celui de l'accusé, Sougnac répond à nouveau, sans détour : "le regard d'Yvan a toujours porté plus loin que le Cap Corse et les Bouches de Bonifacio. Il s'est toujours intéressé au monde d'un point de vue économique, politique. Il est toujours resté humain."


Antoine Albertini
Chroniques du poste de garde 2/4 - VIZZAVONA, RANGERS ET CONSEILS CONTRE LE FROID


Chaque jour, retrouvez l'ambiance du poste de garde du palais de justice. Accréditations, négociations. Pas facile.


Malgré le beau soleil qui illumine ce jour inaugural de grève, le froid mordant qui s'est abattu sur Paris n'épargne pas les gendarmes du poste de garde. Sous le portique, un adjudant-chef s'approche : "Fait aussi froid qu'à Vizzavona, pas vrai ?" Certes, il ne faut rien éxagérer mais le temps n'est pas vraiment à Paris-Plage. "Vous avez été en poste en Corse ?" interroge l'air de rien le journaliste pressé. Mystérieux, le sous-officier lève les yeux vers la visière de sa casquette (dont le modèle n'est pas sans rappeler étrangement celui des soldats des troupes impériales dans Star Wars, ndlr) et lâche un sybillin : "Non, mais... euh... j'ai pas mal travaillé en Corse." On n'en saura pas plus. Voilà qui se révèle finalement bénéfique pour le journaliste pressé : pour se protéger du froid, les gendarmes regagnent bien vite l'intérieur du poste de garde. Ce matin, le formulaire a été rempli en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. En bonus, un conseil made in Gendarmerie Nationale pour se protéger du froid : "Mieux vaut une bonne vieille paire de rangers en cuir bien serrées qu'une de ces conneries en Gore-Tex qui ne sont pas au point et où on transpire des pieds !" Merci qui ? Merci mon adjudant-chef !


Antoine Albertini
PROCES COLONNA, Jour #3, Programme : L'ATTAQUE DE PIETROSELLA


Après avoir entendu d'autres proches d'Yvan Colonna, la Cour se penchera aujourd'hui sur l'attentat qui a visé la gendarmerie de Pietrosella le 6 septembre 1997.


Ce matin, dès 10 heures, Pierrette Serreri , la compagne d'Yvan Colonna, déposera à la barre. Elle sera suivie par le truculent Daniel Herrero . L'ancien rugbyman était le professeur de sport d'Yvan Colonna à Nice et l'une des premières personnes à obtenir un droit de visite en prison. Mais la Cour attend surtout d'entendre les explications d'Yvan Colonna sur sa participation éventuelle à l'attaque contre la gendarmerie de Pietrosella, dans la nuit du 5 au 6 septembre 1997. Après une suspension de séance à 14 heures, les magistrats entendront ainsi les gendarmes Didier Paniez et Daniel Herniaux, les deux militaires que le commando à l'origine de l'attaque avait séquestrés.


Antoine Albertini
"J'ai le sentiment d'appartenir à un peuple nié dans ses droits nationaux, ça a fait de moi un patriote corse. Je le suis toujours."
PROCES COLONNA, jour #3, REVUE DE PRESSE


Les débats d'hier étaient consacrés à la personnalité de l'accusé. Un portrait que les médias ont diversement apprécié.


Sur la plupart des télés comme sur les radios, rien à redire : les éléments de l'audience d'hier - le portrait d'Yvan Colonna par ses proches et ses premières réponses au président Dominique Coujard - ont été traités avec un net souci d'objectivité. Seule la prestation de Jean-Hugues Colonna, le père d'Yvan, quelque peu embrouillé à la barre hier, a suscité des critiques, parfois assez vives. Le ton de la presse écrite en revance est nettement plus circonspect. Ironique, Le Parisien estime que, "peint par lui-même, le portrait d'Yvan Colonna ressemble à ceci : un Corse bucolique et travailleur, amoureux de son île et qui a choisi de ne jamais parler français à son fils." Pour Libération, les explications d'Yvan Colonna sur son parcours et son engagement ne valent visiblement pas grand chose. L'accusé hésite-t-il une fraction de seconde lorsqu'il explique qu'à la naissance de son enfant, il a "arrêté tout militantisme... public Pour Libé, ces trois points de suspension laissent peuvent laisser croire à un engagement clandestin. Plus sobre, Le Figaro évoque le "sortilège" que semble avoir exercé la vie de berger sur Yvan Colonna, un homme "plus raffiné que les hommes du commando condamnés ici en 2003"

Cronologia afer Erignac

PROCES COLONNA : CHRONOLOGIE, de 1998 à 2007


Près de dix années se sont écoulées depuis l'assassinat du préfet Claude Erignac. Chronologie des événements.


6 février 1998 : à 21 heures 03, le préfet de la région Corse Claude Erignac est assassiné de trois balles tirées à bout portant alors qu'il se rend à un concert au théâtre Le Kallisté, avenue du colonel Colonna d'Ornano, à Ajaccio. 7 février 1998 : l'assasinat du préfet est revendiqué dans une lettre authentifiée par le numéro de série de l'arme utilisée. Celle-ci a été dérobée au cours de l'attaque contre la gendarmerie de Pietrosella, le 6 septembre 1997. Le courrier est adressé à plusieurs anciens militants nationalistes. 13 février 1998 : ouverture de l'information judiciaire contre X n°1338 des chefs d'assasinat avec associaation de malfaiteurs en vue de commettre des actes de terrorisme. 21 mai 1999 : interpellation des membres du "Commando Erignac" 24 mai 1999 : alors qu'il a été mis en cause en cours de garde à vue par plusieurs membres du commando, Yvan Colonna prend la fuite. Il expliquera plus tard, après avoir été interpellé, qu'il n'avait pas fui ce jour-là mais deux jours plus tard, après être allé s'occuper de ses chèvres en montagne et avoir appris en regagnant Cargèse qu'il était soupçonné d'être l'assassin du préfet Claude Erignac. 4 juillet 2003 : interpellation d'Yvan Colonna par le RAID dans la bergerie de Monti Barbatu, en Corse-du-sud. 11 juillet 2003 : de lourdes peines de prison sont prononcées à l'encontre des membres du commando. Alain Ferrandi et Pierre Alessandri, présentés comme les éxécutants de l'assssinat, sont condamnés à la perpétuité. Jean Castela et Vincent Andriuzzi, convaincus d'avoir été les commanditaires de l'assassinat, à trente années de réclusion. Tous deux seront acquittés en appel en février 2006. 13 octobre 2004 : la presse révèle que Pierre Alessandri s'accuse d'être le tireur dans une lettre adressée à la juge d'instruction Laurence Le Vert. 2 mars 2005 : au cours d'une séance de "tapissage", le seul témoin visuel de l'assassinat affirme ne pas reconnaître Yvan Colonna comme le tireur. 12 novembre 2007 : début du procés d'Yvan Colonna.