diumenge, 16 de desembre del 2007

PROCES COLONNA - Jour #5 - La famille Erignac à la barre, dans la douleur, la dignité et l'émotion


Ce matin, la veuve et les deux enfants du préfet assassiné sont venus décrire à la barre la personnalité "riche" et "attachante" de Claude Erignac.


C'est un exercice qu'on ne souhaite à personne. Au lendemain de l'examen, à l'audience, du corps affreusement supplicié de Claude Erignac, sa veuve Dominique et ses deux enfants sont venus à la barre évoquer la mémoire du préfet. Dignes, calmes et émouvants, tous trois ont réclamé la vérité "sans esprit de haine ni de vengeance". Exemplaires. Voici les principaux extraits de leur déposition. Dominique Erignac, 64 ans, veuve du préfet Claude Erignac "Je me souviens de ses dernières paroles en me déposant devant le théâtre : "A tout de suite..."" Extrêmement émue, Dominique Erignac n'a pu que lire un texte qu'elle a écrit. "J'ai toujours eu la conscience que rencontrer mon mari et partager sa vie était quelque chose de très important (...), tant de moments vécus et riches... Pour mon mari Claude, sa famille était quelque chose d'essentiel. L'autre chose essentielle était son métier de préfet, qu'il adorait. Pendant des mois, je me suis sentie coupable de ne pas avoir empêché mon mari d'aller à ce concert. Depuis dix ans, je suis seule et je veux connaître la vérité à laquelle mes enfants et moi avons droit (...) J'espère qu'ici, certaines personnes comprendront ce que je ressens (...) En arrivant en Corse, nous avons visité toute l'île en voiture (...) Nous aimions découvrir notre nouveau territoire (...) Nous trouvions cet endroit mgnifique, un spectacle à chaque virage. Il y avait la mer, la montagne, cette nature vierge. J'ai découvert avec enthousiasme cette terre de France bien lointaine pour moi, qui suis une femme du Nord. (...) Il y avait une ombre, cependant : l'absence de nos enfants qui étaient à l'université et desquels nous étions séparés pour la première fois. La maison était bien triste. (...) Depuis ce temps, je ne cesse de me poser une question : pourquoi ? Mon mari Claude aimait la vie, il la vivait pleinement (...) Il aimait rire et faire des blagues. Il était très attentif aux autres. Sa mort est à l'opposé de sa personnalité, elle ne fait pas partie de sa vie (...), la violence de sa mort la rend insupportable (...) Au soir du 6 février, ma vie a basculé (...) Quel sens donner à sa mort ? Je croyais que dans cette région [la Corse, ndlr], il y avait un code de l'honneur dont les habitants étaient très fiers. Mes enfants et moi avons droit à la vérité et mon mari Claude à la justice. Dix ans après, je me souviens de ses dernières paroles en me déposant devant le théâtre : "A tout de suite..."" Christophine Erignac, 34 ans, fille du préfet Claude Erignac "Il était mon repère dans la vie et il le restera". "Je vous remercie de nous donner cette parole aujourd'hui, c'est essentiel pour nous. Essentiel car il est important pour moi que mon père reprenne vie, reprenne corps. Depuis tant d'années, on essaie de l'effacer. Pour moi, il était beauocup plus que le préfet Erignac, que la victime de "l'affaire Erignac" (...) J'ai toujours en mémoire l'image de son corps, de son visage déchiqueté, de ce corps que l'on a achevé à terre. Il était bien loin de cette violence et de cette lâcheté (...) Il était mon repère dans la vie et il le restera. Je me souviens particulièrement d'une soirée, celle du 5 février 1998, la veille. Nous avions dîné, mon père, mon frère et moi car il était venu à Paris pour des raisons professionnelles. A cette époque, mon frère avait un scooter et en rentrant, nous avons traversé Paris en scooter. Je me souviens de mon père, le visage dans le vent, qui souriait. Je crois que ça lui rappellait sa jeunesse. c'est la dernière image que j'ai de mon père, je la conserve précieusement. (...) Le soir du 6 février, j'ai reçu un coup de téléphone de ma mère. Elle n'a pu me dire qu'une chose : "Ils l'ont tué, ils ont assassiné Papa..." Dix ans après, son absence est toujours présente en moi..." Charles-Antoine Erignac, 30 ans "Nous avons agi sans vengeance et sans haîne, dans l'esprit de ce que mon père nous avait enseigné." "Nous avons eu une vie un peu différente, itinérante, faite d'ouvertures, de découvertes, de nouvelles rencontres (...) Je garde le souvenir d'un très bon père, quelqu'un qui nous faisait pleinement partager sa vie (...) Papa était un homme plein de volonté, un grand cycliste, un grand tennisman qui était même devenu champion de Corse de sa catégorie. Il était un homme de grande culture qui aimait découvrir, comprendre, se renseigner, il était très curieux et passionné d'histoire. Mais il était aussi d'une grande rigueur, il avait de l'autorité quand il le fallait. Il était d'ailleurs très exigeant avec lui-même (...) mais ce n'était pas quelqu'un de renfermé, il aimait briser la glace (...) Vous comprendrez d'autant mon désarroi et ma détresse ce 6 février 1998 (...) Je suis rentré chez moi après un dîner avec des amis, il y avait beaucoup de messages raccrochés sur mon répondeur téléphonique, certains semblaient très alarmants. J'ai allumé la radio et j'ai écouté France Info : "le préfet de Corse a été assassiné." Depuis dix ans, nous avons agi sans haine, sans vengeance, dans l'esprit de ce que nous avait enseigné mon père. Nous avons droit à la justice. Papa a droit à la justice."


Antoine Albertini