diumenge, 16 de desembre del 2007

PROCES COLONNA - Jour #3 - Les "chimères" du gendarme Didier Paniez


L'audience de ce matin s'est conclue par la déposition du gendarme Didier Paniez, l'un des deux militaires capturés par le commando nationaliste qui a pris d'assaut et dynamité la gendarmerie de Pietrosella dans la nuit du 5 au 6 septembre 1997. En voici les principaux extraits.


"Le 5 septembre 1997, je suis parti en patrouille sur la commune de Porticcio. A notre retour, je suis sorti de mon véhicule pour ouvrir le portail. Lors d'une patrouille, c'est le seul moment où un binôme est séparé. Le gendarme Herniaux est resté dans le véhicule. Lorsque j'ai actionné le portail, j'ai entendu du bruit dans le buisson derrière moi et la voix de quelqu'un qui semblait vouloir crier sans pouvoir le faire. L'homme m'a mis la main sur l'épaule et quand je me suis retourné, j'ai vu un homme en cagoule avec une veste de treillis. Je me suis dit que c'était un gendarme mobile en manoeuvre car il leur arrivait de s'entraîner fréquemment aux abords de l'unité. Alors, je lui ai fait une balayette, il a été déséquilibré et un second type est venu, il m'a mis le canon d'un fusil de chasse sur la tempe. Là, mon esprit s'est arrêté, j'étais incapable de bouger. Il m'a pris par la chemise et m'a aidé à me déplacer parce que j'étais tétanisé. J'ai buté contre une borne kilométrique et je suis tombé à la renverse. C'est quand ils m'ont dit de m'allonger que j'ai compris que c'était des terroristes. Ils ont voulu me rassurer : "ne t'inquiète pas, on n'en veut ni aux gendarmes, ni aux familles. Ca va bien se passer." L'un d'eux, celui dont la voix était la plus jeune, était très nerveux. L'autre, celui que j'appelerais "le Vieux" était beaucoup plus calme, beaucoup plus posé. Ils m'ont fait monter dans le fourgon où trois autres hommes avaient pris place avec mon collègue. Je m'en souviendrais : deux d'entre eux portaient des képis par-dessus leurs cagoules. Nous avons commencé à rouler et ils paraissaient tous sous pression parce que, visiblement, ils ne recevaient pas de réponse d'un autre groupe. L'un des malfaiteurs avait un moyen radio, il a demandé : "Ici Jacob, opération terminée. Tu me reçois, King ?" Mais il n'a obtenu aucune réponse. Soudain, l'un des terroristes dans le fourgon a demandé : "Qu'est-ce qu'on fait, on les bute ?" et une voix a répondu : "Non, ils ont été corrects, on ne les bute pas." Et puis tout coup, ils ont reçu trois bips sur le talkie walkie et ils ont été tous très soulagés. Nous avons encore roulé, je pouvais distinguer la route lorsqu'elle était éclairée à travers le sac en toile de jute qu'ils nous avaient mis sur la tête. Environ 100 mètres après un croisement, nous avons vu une voiture arriver en face qui nous a fait des appels de phare. Le véhicule dans lequel nous étions s'est arrêté. Ils nous ont fait sortir et nous sommes rentrés dans les ronces. Dix à quinze mètres plus loin, ils nous ont fait nus allonger sur le sol et je me suis dit, là, je vais prendre une balle dans la tête, c'est terminé. Ma femme était enceinte et j'ai pensé à ma petite fille qui ne me connaîtrait jamais. Elle a neuf ans aujourd'hui, elle s'appelle Serena, c'est un prénom corse. (...) Dès qu'ils se sont éloignés, j'ai défait mes liens et j'ai voulu aller regagner la route pour essayer de relever une immatriculation. J'ai distingué le fourgon qui partait à vive allure mais j'ai entendu des voix qui parlaient corse. Du coup, je suis allé chercher du secours et c'est là que j'ai appris que la gendarmerie, à Pietrosella, avait été plastiquée. Aujourd'hui, je suis déclaré inapte au port d'armes, je n'ai pas pu passer le concours d'officier, je suis complètement bloqué dans ma carrière. Et puis je vis avec cette chimère tous les soirs. Je ressens de la culpabilité : l'une des armes qui nous a été volées ce soir-là a servi à l'assassinat du préfet Erignac."


Antoine Albertini