diumenge, 16 de desembre del 2007

PROCES COLONNA - Jour #5 - La lettre prémonitoire du Préfet Erignac


Dans un "journal" entamé alors qu'il était préfet des Yvelines, le préfet Claude Erignac redoutait les conséquences de sa nomination en Corse. Et tenait des propos tragiquement prémonitoires. Extraits.


Le préfet des Yvelines - Ch. I - Histoire d'un piège "J'ai donc été pris au piège subtil tendu par quelqueq-uns, pas très nombreux et que je pense identifier très clairement. Pour l'essentiel, Michel Besse [? - écriture peu lisible, ndlr] et P.E. Bissch [ancien conseiller de Charles Pasqua aux affaires corses, ndlr]. Le piège est quasi-imparable pour un préfet. A la légitime ambition, exprimée clairement, d'être nommé préfet de Région, on a su ajouter l'affirmation des éminentes qualités professionnelles et personnelles qui justifient ce choix (...) Mes qualités sont donc si grandes que me voilà l'homme indispensable pour la Corse. "Si j'ai, plus tard, l'occasion de régler ces comptes, il ne faudra pas oublier de le faire." Que répondre, sauf à courir le risque réel d'une disgrâce, d'une hors-cadre ou d'une stagnation. Aucun argument ne peut être légitimement avancé face à cette "mission de grande confiance, témoignage éclatant, etc.". Si j'ai, plus tard, l'occasion de régler ces comptes, il ne faudra pas oublier de le faire. Il faut donc y aller et gérer dans la plus grande hâte tous les problèmes personnels, si nombreux, que nous pose cette nomination vis-à-vis de nos familles, de nos projets en Lozère, de nos moyens qui vont en être affectés. Mais ce n'est pas - et de loin - l'essentiel. Le seul problème sérieux est que j'ai clairement conscience de partir vers une mission impossible faite de contradictions éclatantes entre les déclarations publiques du gouvernement, les négociations plus ou moins secrètes, les intentions réelles des uns et des autres... Officiellement, ma mission est triple : rétablir l'autorité de l'Etat, contribuer au dialogue républicain, faire avancer les dossiers économiques, sociaux et culturels. "C'est le grand écart... avec les redoutables conséquences que l'on devine." Mais quels sont les moyens ? Un préfet ne saurait véritablement actionner les machines judiciaire et policière. Pour la police, un peu sans doute mais ce n'est pas ma tasse de thé. Cela dit, je vais m'y efforcer. Le problème est qu'il faut aussi veiller à ne pas contrarier le "processus politique" en cours avec la trêve acquise pour trois mois, attendue pour six mois supplémentaires (...) C'est le grand écart... avec les redoutables conséquences que l'on devine. Pour les dossiers, j'ai l'impression que la volonté politique est bien hésitante. On peut le comprendre à voir les sommes déversées sur la Corse. Comment reprocher à beaucoup, à Paris, de dire que cela suffit... Mais alors, comment répondre aux attentes si impatientes des socio-professionnels de tout poil abreuvés semble-t-il, ces derniers mois en particulier, de bonnes paroles et de semi-promesses. En définitive, c'est cela qui me soucie le plus car je crains beaucoup cet exercice de faux-semblant. (...) Nous partons donc. Je m'accroche à l'idée que cela peut être pour dix-huit mois seulement, moyenne approximative de mes prédécesseurs. Et je vais m'efforcer de tenir chronique régulière de cette aventure, mission impossible."


Antoine Albertini