diumenge, 23 de novembre del 2008

Corse, la déraison d'Etat

Corse, la déraison d'Etat
Le limogeage du "M. Sécurité" corse n'en finit pas de faire des vagues. Les réactions se multiplient pour dénoncer l'injuste sanction qui frappe le fonctionnaire, victime semble-t-il de la disgrâce élyséenne. Si l'enquête de gendarmerie constate que "ni violence ni dégât" n'ont été commis lors de l'intrusion dans la villa de Christian Clavier, Michèle Alliot-Marie assume, soutenue par l'Elysée.
Que s'est-il passé samedi au bord de la piscine de Christian Clavier? Pas grand-chose à en croire les gendarmes...
Si la mutation de Dominique Rossi a suscité de vives réactions au sein de la police et dans l'opposition, et agite mercredi matin la presse française, les réactions officielles étaient jusque là beaucoup plus discrètes. Certes, le Premier ministre l'a rappelé lundi, le "gouvernement n'a pas de comptes à rendre sur ces questions". C'est pourtant bien d'un règlement de comptes dont il s'agit. Le ministère de l'Intérieur a finalement reconnu mardi les raisons de cette mutation. Il est reproché au fonctionnaire d'avoir laissé se dérouler l'action pacifique d'occupation de plusieurs villas intervenue samedi dernier après une manifestation officielle d'élus et de militants indépendantistes, à Porto-Vecchio, contre le plan d'aménagement de la Corse (PADDUC). Interrogée après le conseil des ministres sur la nature des dégradations commises, la ministre de l'Intérieur Michèle Alliot-Marie a répondu: "Dégradation des droits de la République. Il y a un droit de propriété, on ne pénètre pas chez les gens sans une autorisation, on ne s'installe pas chez eux, on ne fait pas pression sur des gens. C'est la liberté individuelle qui est en cause". MAM a assumé la mise à l'écart de Dominique Rossi: "Je suis en charge de la protection des Français, de leurs biens et de leurs libertés, à ce titre je suis responsable de choisir la personne qu'il faut, au moment où il faut et à l'endroit où il faut, c'est simplement ce qui s'est passé". Alors que les questions se poursuivaient, elle est partie en lançant aux journalistes: "Arrêtez de faire du cinéma". Une sanction dont les ficelles remonteraient directement à l'Elysée. Au coeur de l'affaire, on retrouve l'acteur Christian Clavier, ami personnel du président Sarkozy, qu'il a prévenu de la mésaventure par téléphone. Le chef de l'Etat, mécontent de ne pas avoir été informé en amont de la chose et très fâché que les mesures pour protéger la maison de son ami n'aient été prises, demande le limogeage illico du flic de service. Quelques heures plus tard, Dominique Rossi n'est plus le Coordonnateur des Services de Sécurité Intérieure auprès du Préfet de Région Corse.Nicolas Sarkozy a expliqué mercredi en conseil des ministres qu'il soutenait la décision de limoger Dominique Rossi, a dit le porte-parole du gouvernement Luc Chatel. "Il s'agit véritablement d'une atteinte à la vie privée qui s'est produite, il n'y a pas eu de réaction des pouvoirs publics. (...) Le président de la République a indiqué que le fait d'être (...) ami du président de la République ne devait pas entraîner le fait d'avoir moins de droits que les autres citoyens", a-t-il dit."Avoir un bon copain"..."Une réponse radicale à un non-événement", s'enflamme de son côté un policier de l'île. On savait la Corse dangereuse pour les fonctionnaires de la République, mais quand en plus elle accueille les amis du président, la question devient raison d'Etat. "Il a géré des crises autrement plus graves de manière très professionnelle. Alors, le voir sauter là-dessus...", s'émotionne un autre collègue. Une chose est sûre, Nicolas Sarkozy sait être chouette avec ses amis. Fustigé pour avoir profité des largesses de ses amis puissants - l'épisode du yacht Bolloré pour ne citer qu'un épisode...-, le président montre que lui aussi sait rendre service. S'il semble raisonnable de penser que Christian Clavier n'a pas lui-même demandé la tête du malheureux Rossi, l'ire élyséenne a elle tourné ses foudres vers le fonctionnaire en moins de temps qu'il ne faut à un portable pour sonner. Camille de Rocca-Serra, député UMP de Corse-du-Sud, s'est lui aussi défendu d'avoir demandé la tête du fonctionnaire.Les militants cherchent à "réaliser un coup médiatique" prévenait en substance la note de la DCRI. Le résultat a, et de loin, dépassé leurs espérances les plus folles. Les militants anti-Padduc étaient certainement loin de s'imaginer que la tête du "Monsieur Sécurité" de Corse, en poste depuis 2005, sauterait. Haut-fonctionnaire bien noté et loué par ses collègues, il affichait en outre, et Nicolas Sarkozy les aime, des résultats impeccables : baisse de la criminalité de 22% l'an dernier en Corse, taux d'élucidation des affaires supérieur à la moyenne nationale. Le coup de sang élyséen, s'il répare l'affront fait à l'ami du président Christian Clavier, offre du même coup un joli cadeau surprise aux nationalistes. Chef de file de Corsica Nazione independenza (CNI), Jean-Guy Talamoni tentait lundi soir de recentrer le débat sur le Padduc, dénonçant au passage le geste présidentiel. "Nous avons l'habitude du règne de l'arbitraire, en général c'est nous qui en faisons les frais (...) Ce qui est un peu nouveau, c'est qu'un policier de haut rang en fasse les frais", a-t-il dit sur France Info."Ni violence, ni dégât"Le choix de Dominique Rossi de ne pas faire intervenir les gendarmes résulte pour de nombreux policiers d'un choix de bon sens. Plutôt que d'attiser les esprits avec une présence policière, il a choisi de laisser se dérouler une démarche annoncée comme pacifique. Les premiers éléments de l'enquête de gendarmerie semblent lui donner raison, puisque seul un coq d'ornement en plâtre a effectivement fini sa course dans la piscine avant d'en être retiré après quelques minutes. Le parquet d'Ajaccio doit maintenant déterminer s'il poursuit ou non les indépendantistes intrusifs. Une décision peu probable au vu de ce seul élément. Et comme la justice est indépendante de l'exécutif...Dominique Rossi, lui, laissera un bon souvenir en Corse. Alors que son successeur, Gilles Leclair, doit arriver en fin de matinée en Corse, le policier déchu a été lui appelé à l'Inspection Générale de la Police Nationale, à Paris. Chez les "Boeuf-carottes". A n'en pas douter, il sera tout aussi efficace dans ce service qui enquête en interne sur les dysfonctionnements et autres bavures des fonctionnaires en poste. L'expérience y est, paraît-il, un atout important...