dissabte, 24 de novembre del 2007

En atendant a Roger Marion.Le Monde

24 novembre 2007
En attendant Roger Marion
Les Petit Poucet chargés de semer des cailloux en défense d’Yvan Colonna ont parfois la main lourde. Reprenons. Pendant deux jours, la cour d’assises a suivi les chemins de traverse empruntés par l’enquête sur l’assassinat du préfet Claude Erignac, à l’initiative du patron de la Division nationale de l’antiterrorisme de l’époque Roger Marion.
Contrairement à son collègue du SRPJ d’Ajaccio, Demetriu Dragacci qui, dès le 12 février, avait estimé que les auteurs de l’assassinat étaient à rechercher du côté de “la radicalisation de l’action violente menée par un groupe dissident de l’ex FLNC”, Roger Marion avait suivi avec acharnement la piste d’un règlement de comptes commandités par des syndicalistes agricoles nationalistes furieux des arbitrages du préfet.
La chronologie de l’instruction, retenue par le président de la cour d’assises Dominique Coujard, imposait donc ce long détour à l’audience. Pour les avocats de la défense d’Yvan Colonna, l’occasion était précieuse de dénoncer les méthodes et les errements de la DNAT avant la déposition attendue de son ancien patron, lundi 26 novembre, et la caution que leur avaient apportée les trois magistrats antiterroristes, qui seront entendus en milieu de semaine prochaine.
Ils sont en effet nombreux, ces hommes et ces femmes, syndicalistes agricoles, militants nationalistes poursuivis et parfois condamnés dans d’autres procédures, à avoir fait les frais de cette fausse piste agricole, baptisée “procédure 1337″ du nom de l’information judiciaire “poubelle”- l’appellation est de Demetriu Dragacci - ouverte parallèlement à celle sur l’assassinat du préfet Claude Erignac.
Stella Castela est l’une d’entre eux. Son mari Jean Castela avait été présenté comme l’un des commanditaires de l’assassinat, avec Vincent Andriuzzi. Condamnés lors du premier procès de l’afaire Erignac, ils ont tous deux été acquittés en appel. Elle-même a été placée en garde à vue et détenue pendant plusieurs mois.
- “Je l’ai ressentie comme une prise d’otage. On m’a dit: ” si votre mari ne parle pas, vous allez en prison”. Il y a un tel stress qu’on n’a qu’une idée, c’est que la garde à vue s’arrête. Les conditions étaient humiliantes. J’ai raconté des tas d’inexactitudes et parfois j’ai dit n’importe quoi, car les réponses étaient données par les questions. La prison, après ça, c’est presque une libération“, a-t-elle expliqué.
Son souci de convaincre et surtout de discréditer par avance les aveux des compagnes et de certains membres du commando qui constituent la principale charge contre Yvan Colonna, l’amène à répéter plusieurs fois les mêmes formules sur la “prise en otage des femmes” et les “inexactitudes“ contenues dans ses dépositions en répondant aux avocats de la défense qui l’interrogent, sans même écouter leurs questions jusqu’au bout tant elle connaît la partition.
D’une voix affable, le président intervient.
- “Vos déclarations me conduisent à relire vos procès-verbaux, lui dit-il.
Il lit. Le récit tel qu’il apparaît sur papier est fluide, plutôt bavard.
- Des commentaires ou des rectifications à faire sur ce premier procès-verbal?, lui demande Dominique Coujard.
Elle apporte quelques nuances, à la marge.
- C’est tout?
- Oui.
Deuxième, troisième, quatrième procès-verbal, le président reprend sa lecture. Même impression de fluidité. Mêmes questions.
- Pas d’observation sur ces procès-verbaux?
- Non”, répond-elle.
Son mari Jean Castela lui succède à la barre. Lui aussi raconte les conditions éprouvantes de son interpellation et de sa garde à vue.
- “Ma femme avait été arrêtée. C’était un élément de pression encore plus fort. On en vient à confirmer ce que l’on veut nous faire dire. On ne peut rien maîtriser, explique-t-il.
- Avez-vous été amené à reconnaître des choses que vous n’avez pas commises ou que vous ne vouliez pas dire?, l’interroge le président.
- Moi, non. Mais le sort de ma femme me posait problème.
- Est-ce que vous avez gardé votre cap malgré tout pendant cet interrogatoire?
- Je n’ai aucune modification à apporter à ce que j’ai dit.
- Est-ce que, à cause des conditions de la garde à vue, vous auriez pu être amené à reconnaître l’assassinat du préfet?, insiste le président.
- Non. Je ne vois pas en quoi le fait de reconnaître des faits que je n’avais pas commis aurait pu améliorer mon sort“, répond l’universitaire.
Il arrive que les Petit Poucet se prennent les pieds dans leurs cailloux.