divendres, 30 de novembre del 2007

Et Yvan Colonna, alors, il y était ? Ben, je ne sais pas"

Et Yvan Colonna, alors, il y était ? Ben, je ne sais pas"


ur les épaules fatiguées et dans les traits tirés de deux femmes, la vie, épaisse, dense, est enfin entrée dans le prétoire. Jeudi 29 novembre, Nicole Huber Balland et Michèle Alessandri ont témoigné devant la cour d'assises de Paris qui juge Yvan Colonna.
La première est agricultrice, la seconde cuisinière. Elles sont les compagnes et épouse de deux des membres du commando, Joseph Versini, condamné à quinze ans de prison, Pierre Alessandri, à la réclusion criminelle à perpétuité et qui depuis, s'accuse d'avoir été le tireur qui a abattu Claude Erignac le 6 février 1998.
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Signes particuliers : elles ont passé des aveux qui mettent en cause Yvan Colonna dans l'attaque de la gendarmerie de Pietrosella et l'assassinat du préfet, et elles demeurent toujours en Corse, la première à Cristinacce, la seconde à Cargèse.
Ce qu'elles éprouvent à cet instant, dans ce lieu, en jurant de dire "toute la vérité, rien que la vérité", avec Yvan Colonna dans le box à quelques mètres d'elles, sa famille et ses amis massés dans leur dos et la veuve du préfet Erignac et ses enfants à leur gauche, claque au visage de tous ceux qui les observent. Cette responsabilité les écrase. Aux questions du président, elles répondent le moins possible, tenant leurs mots en laisse de peur qu'ils ne les emportent et elles s'accrochent comme des noyées à ceux qu'elles ont préparés.
Nicole Huber Balland répète une dizaine de fois que pendant sa garde à vue, elle était "dans la confusion la plus totale" et qu'elle avait "dit n'importe quoi". Michèle Alessandri commence toutes ses phrases par : "J'étais complètement déstabilisée." Sur procès-verbal, la compagne de Joseph Versini avait raconté le récit que lui avait livré son concubin, de l'attaque de la gendarmerie de Pietrosella. L'épouse de Pierre Alessandri avait confié, pour sa part, son "inquiétude", lorsqu'elle avait vu son mari partir en voiture en fin d'après-midi le 6 février avec Yvan Colonna et un troisième homme qu'elle ne connaissait pas. "Je me doutais que Pierre allait faire une bêtise." Elle avait dit encore comment, après avoir reçu un signal de son mari dans la nuit - une double sonnerie sur le fax - elle était allée le chercher le lendemain matin chez Alain Ferrandi, un autre membre du commando, et qu'il se trouvait encore en compagnie d'Yvan Colonna. "J'ai dit ces noms comme ça, au hasard, sans penser aux conséquences", répète-t-elle comme un automate.
De l'une et de l'autre, le président lit les procès-verbaux, qui, au fil des auditions de garde à vue se font précis, circonstanciés. Apparaissent entre les lignes, les récits de deux femmes et mères inquiètes de l'engagement nationaliste de leurs compagnons et qui, après le 6 février 1998, ont vécu avec "un point d'angoisse sur le coeur" sans jamais "oser leur poser des questions".
Cette lecture publique leur est un supplice dont on aimerait qu'il s'arrête. "C'était les policiers", répètent-elles.
"Mais aujourd'hui, madame, vous dites quoi ?, demande un des assesseurs à Michèle Alessandri.- Je ne comprends pas votre question.- Etes-vous allée chercher votre mari ce matin-là ?- Oui.- Et il y avait qui ?- Ferrandi, mon mari... Sa voix reste suspendue.- Et Yvan Colonna ?- J'ai dit qu'il y était, mais c'était les policiers.- Alors, il y était ?- Ben, je sais pas, souffle-t-elle.- Il y était ?", insiste le juge.
Elle hésite, puis lâche : "Non." Le président enchaîne. "En fait, tout est vrai dans votre récit, mais on efface Yvan Colonna, c'est cela ?" Elle le dévisage, muette. Me Benoît Chabert, avocat de la partie civile, l'interroge à son tour. "Pensez-vous que dans cette affaire, tout le monde a pris ses responsabilités ?
- C'est à eux de répondre à la question. Moi, je sais que mon mari les a prises.- Et le bilan de tout cela pour vous, madame ?, intervient le président, Dominique Coujard.- C'est une affaire très, très... très violente. Moi, je suis une victime, victime d'être la femme de Pierre. Je vis avec.- Vous n'avez rien à dire à M. Colonna ?- Non.- Et vous, M. Colonna, avez-vous quelque chose à dire à Mme Alessandri ? Un silence lui répond.- Quelles relations entretenez-vous aujourd'hui avec la famille Colonna ?, demande encore le président.- On se croise au village, on se dit bonjour."
Pascale Robert-Diard