dissabte, 24 de novembre del 2007

La police accusée par la défense de Colonna .Liberation 24.11

La police accusée par la défense de Colonna
PATRICIA TOURANCHEAU
QUOTIDIEN : samedi 24 novembre 2007

Deux «intellectuels» corses, qui avaient été accusés à tort en 1999 d’avoir commandité l’assassinat du préfet Erignac puis avaient été acquittés en appel en 2006, ont témoigné vendredi devant la cour d’assises spéciale de Paris. Cités par la défense d’Yvan Colonna qui se déclare lui aussi innocent, Vincent Andriuzzi et Jean Castela ont mis en avant les «pressions psychologiques» exercées en garde à vue par les policiers de la division nationale antiterroriste (Dnat).
Professeur de mathématiques, Vincent Andriuzzi, 50 ans, tenue sobre et sombre, a expliqué que, lors de sa seconde arrestation, «les policiers étaient nerveux, fébriles, prononçaient des petites phrases très sèches sur l’avenir qui nous était promis» et qu’ils «avaient un scénario à l’intérieur duquel je devais figurer». Il décide alors de ne plus répondre aux questions et persiste dans ce refus pendant soixante-seize heures. «Très mécontent», le commandant Lebbos, de la Dnat, aurait «comparé la cour d’assises à une arène de corrida où le président en toge rouge fera des allers-retours et à la fin tranchera dans le vif», rapporte le témoin qui n’a toutefois pas craqué ou avoué «des choses inexactes». Le président, Dominique Coujard, qui prépare le terrain pour les auditions futures de membres du commando qui ont désigné Yvan Colonna comme le «tireur», demande si ses «conditions de garde à vue ont été différentes des autres».Vincent Andriuzzi n’en rajoute pas : «Mon intégrité physique a été respectée même si j’en ai entendu de toutes les couleurs». Il certifie qu’il n’a «pas été facile» de résister pendant quatre jours et quatre nuits mais qu’il n’a pas dérogé à sa «position de principe» malgré la garde à vue «sévère» de sa femme dans les mêmes locaux : «Je n’ai pas été maltraité», dit-il.
Attentats. Me Lemaire, pour la famille Erignac, admet l’innocence acquise de Vincent Andriuzzi sur la complicité d’assassinat du préfet mais lui fait préciser qu’il a néanmoins été «condamné à huit ans pour complicité d’association de malfaiteurs pour des attentats commis sur le continent», un à Paris, trois à Mende et un à Strasbourg contre l’Ecole nationale d’administration (ENA).
Plus incisif, J ean Castela, 48 ans, également condamné pour ces attentats à dix ans de prison, n’apprécie pas que Me Lemaire lui fasse remarquer : «Là non plus, vous n’avez jamais reconnu les faits». Jean Castela le tacle : «Je ne veux pas revenir là-dessus. On m’a accusé d’être complice». Aux questions de Me Gilles Siméoni, qui défend finement Yvan Colonna, l’acquitté explique qu’il était accusé à tort d’un attentat par sa femme et avait du mal à justifier de sa présence à Bastia : «Heureusement, c’était le jour de la rentrée des classes et j’avais signé un document au lycée comme quoi je prenais mon poste».
En garde à vue, Jean Castela a lui aussi résisté même si «les méthodes sont extrêmement dures», à la manière de ce «policier qui a mis sa tête contre la mienne et a crié dans mes oreilles». «J’étais désigné comme coupable, insiste-t-il. Ça nous tombe dessus et on n’est pas maître de rien. C’est inimaginable, on vit dans la troisième dimension.» Le président relativise : «Je crois qu’une garde à vue est forcément un moment de fragilisation psychologique». Jean Castela : «J’ai le sentiment que je n’ai pas eu un traitement particulier. On a tous subi des pressions dès le départ».
Comploteurs. Dominique Coujard pose des jalons en vue des explications à venir des comploteurs qui justifient leurs aveux par les pressions et les menaces : «Face à des pressions telles que des menaces de prison définitive ou quasi, auriez-vous amélioré votre sort ou tiré un avantage de reconnaître l’assassinat d’un préfet ?» Jean Castela rétorque vivement : «Je ne vois pas en quoi ça aurait amélioré ma situation». Le président enfonce le clou : «Malgré tout, vous avez gardé votre cap. Avez-vous des regrets par rapport aux procès-verbaux ?» Jean Castela n’a rien à ajouter ni à ôter sur les PV d’alors : «Je n’ai aucune modification à faire».