dijous, 29 de novembre del 2007

Le juge Bruguière esquive les attaques des avocats de Colonna .Liberation

Le juge Bruguière esquive les attaques des avocats de Colonna
PATRICIA TOURANCHEAU
QUOTIDIEN : jeudi 29 novembre 2007

0 réaction

A force de torpiller à tout va, la défense d’Yvan Colonna a raté hier sa cible, à savoir l’instruction à charge contre le berger de Cargèse. Les quatre avocats de l’accusé comptaient laminer les trois juges antiterroristes qui ont conduit la procédure sur l’assassinat du préfet Erignac. Mais avant Laurence Le Vert et Gilbert Thiel, le premier vice-président du tribunal J ean-Louis Bruguière qui révisait ce volumineux dossier depuis deux semaines, a contré la défense.
Leitmotiv. Ainsi, sur la question du refus des magistrats de procéder à une reconstitution du crime à Ajaccio qui revenait tel un leitmotiv au fil des audiences, Jean-Louis Bruguière a opposé le fait qu’il y en a eu deux : «Une première reconstitution à chaud en mars 1998 avec les témoins visuels et une seconde en juin 1999 avec les mis en examen» qui a échoué. Selon le juge, les membres du commando arrêtés le 21 mai 1999, «avaient manifesté leur volonté d’y participer, Maranelli, Alessandri et Ferrandi, même s’il était plus circonspect. Nous l’avons donc organisée, nous avons fait repositionner un échafaudage et des voitures, et surtout demandé à la ville d’Ajaccio qui avait renforcé l’éclairage public de mettre la même luminosité que le 6 février 1998. Mais une fois arrivés à Ajaccio, la défense a conseillé aux mis en examen de ne pas participer». Insistant, Me Sollacaro ne comprend pas pourquoi «on ne peut pas faire jouer les rôles des mis en examen par des figurants, et reconstituer les faits avec le médecin légiste et le balisticien». Jean-Louis Bruguière rétorque : «Si nous avions essuyé ce refus avant, nous aurions différé la reconstitution ou prévu des figurants, mais nous avons été pris de court». La défense persiste à réclamer a posteriori cette reconstitution indispensable selon Me Gilles Simeoni pour vérifier «si avec trois hommes [du commando, ndlr] dans la rue, ça marche, alors que les témoins des faits n’en ont vu que deux».
Le magistrat antiterroriste conteste ce «postulat» : «Il n’y pas deux hommes, mais trois. L’examen attentif des témoignages qui ne sont pas concordants, je vous le concède, de Mme Contart et de sa fille [Libération du 22 novembre] qui passaient en voiture démontre qu’elles n’ont pas vu les mêmes personnes». La mère en a vu un en haut de la rue du théâtre Kalliste où le préfet a été abattu. Sa fille a vu le «tireur» blond au milieu de la rue et a aperçu un brun en bas. «Ça en fait trois. En plus, un autre témoin voit trois hommes s’enfuir», maintient Bruguière qui finit par en avoir marre de se voir reprocher de ne pas avoir organisé une autre reconstitution : «On ne peut rester en permanence avec, au-dessus de la tête, l’épée de Damoclès de la stratégie collective du blocage, du refus des mis en examen soit de répondre, soit de se prêter à une reconstitution. Si on avait retenté, qu’est-ce qui nous prouve qu’ils n’auraient pas encore refusé?»
Le président Coujard intervient : «Vous signifiez que la justice n’est pas le self-service de la bonne volonté des uns ou des autres».
Tout à la thèse du complot contre Yvan Colonna dont le nom aurait été suggéré par un policier, la défense prend maintenant pour bête noire un… avocat corse. Me Simeoni demande au juge si la «stratégie collective du refus des mis en examen, qui ont la particularité d’être défendus par le même Me Stagnara, n’a pas commencé en garde à vue ?» Le juge qui a mis en examen et entendu Ferrandi et Alessandri, «en présence de Me Stagnara», précise que «l’un et l’autre ont tenu à s’exprimer alors que la loi ne les y obligeait pas».
Réitérés. S’il convient «qu’une empreinte génétique a un poids supérieur à des témoignages et des aveux», le juge Bruguière les tient pour «des preuves admissibles en droit français» et n’a pas de doute sur les aveux réitérés des membres du commando qu’il a entendus, ni sur l’audition «émouvante» de Mme Ferrandi qui, libérée au bout de trois jours de garde à vue, a «accepté de venir témoigner dans mon bureau». «Cette femme était bouleversée. Elle savait que son mari ne ressortirait pas. Elle m’a expliqué sur procès-verbal qu’Yvan Colonna, Pierre Alessandri et son mari sont arrivés chez eux et qu’elle a appris la mort du préfet juste après par la télévision. Elle a eu cet échange rapide et pathétique avec son mari qui avait compris qu’elle avait compris. Elle m’a dit : “A cet instant, ma vie a basculé”. Je revois cette femme en pleurs. Le juge que j’étais ne pouvait pas ne pas céder à l’émotion. Elle n’était pas dans la suggestion.»